Voir deux athlètes algériens sur un même podium lors d'un événement sportif international de très haut niveau est une performance. C'est synonyme de bonne santé de la discipline qui est loin d'être le sport-roi dans notre pays. Situer la performance de Salim Iles, de Kebbab Nabil ou de Daïd Sofiane, tous les trois médaillés au cours de la même après-midi, c'est donner un repère à celui qui n'a que peu ou peut-être pas de connaissances sur cette discipline aquatique. Effectivement, les temps réalisés par nos nageurs aux côtés de médaillés olympiques ou champions du monde doivent être évalués en années de travail avec leurs peines et sacrifices. Le Français Bousquet qui a battu le record du monde cette année dans cette spécialité était dans le couloir voisin de nos nageurs. Battre le record des Jeux, deux fois dans la même journée, relève de l'exploit. Autant dire qu'une telle performance n'est à la portée que de sportifs de pays nantis où la natation a une tradition, où les bassins sont proportionnels au nombre d'habitants et où les moyens sont disponibles et mis à la disposition de la population sportive. Daïd, Kebbab et Iles n'ont pas caché leur grande joie après cette brillante performance et ont exprimé leur satisfaction, sans toutefois manquer de souligner le chemin qui reste à parcourir pour placer la natation algérienne sur son piédestal. Le plus important dans leurs déclarations est sans conteste le SOS qu'ils lancent pour remettre à flots la natation algérienne. Daïd rappellera : « A Tunis en 2001, je me suis classé 7e en finale. Aujourd'hui, j'ai gagné 6 secondes sur mon temps et j'ai eu une médaille de bronze. Mais, disons-le crûment, si je ne m'entraînais pas à Melun en France, aurais-je eu cette chance ? » Dans une version presque identique, Kebbab avoue : « Comme tout athlète, j'ai commencé à penser à cette médaille à Tizi Ouzou mais, manque de peau, on ferma la piscine. Nantes a été mon salut où je m'entraîne. S'il n'y avait pas Nantes, je ne sais pas ce que j'aurais fait ! » Le décalage entre cette élite qui honore le sport algérien et les moyens mis à la disposition des athlètes est un problème qui taraude beaucoup d'esprits. Sur cet aspect du problème, Salim Iles sera direct dans ses propos : « Deux médailles à la fois, c'est difficile de réaliser un tel objectif. C'est même un paradoxe. Nous avons beaucoup moins de piscines et de nageurs que les pays qui ont concouru avec nous. L'explication se trouve sûrement dans le fait que nous nous entraînons à l'étranger. C'est comme la fuite des cerveaux, on a associé la réussite à l'expatriation. » C'est un constat. La natation algérienne va plus vite que la politique sportive qui tarde à répondre aux attentes des acteurs du mouvement sportif national. C'est une (dure) réalité et au sujet de laquelle le leader de la natation algérienne dira : « Les nageurs qui suivent ma trace ne doivent avoir aucune raison de passer par le même chemin que moi. J'ai souffert énormément. Durant 12 ans, je n'ai vécu que de promesses. Toute la nation doit être derrière nous avec ses moyens, son soutien médical, ses infrastructures sportives, c'est-à-dire tout l'arsenal qui nous permet de progresser davantage. Il ne faut plus que l'on parte à la guerre avec des pistolets, alors que les autres se présentent face à nous avec des chars d'assaut. » Hier, Yahia Guidoum, ministre de la Jeunesse et des Sports, a téléphoné à Salim Iles pour le féliciter avec ses collègues, il lui dira : « Je suis ému et vous êtes notre fierté, je ferai tout mon possible pour aider cette discipline. » Le champion n'est pas resté insensible aux propos du ministre et dira : « J'ai la conviction que, cette fois, il faut y croire et que ce ne sera pas comme après les JO d'Athènes où on s'est intéressé à nous pendant deux semaines, et puis plus rien ». Il ne faut surtout pas que nos nageurs déchantent cette fois-ci. Mme Benmaghsoula, DTN de la discipline désireuse d'aller plus loin dans ses objectifs, soutiendra : « Les résultats de notre natation dépassent les moyens mis à sa disposition actuellement. Sachez qu'un nageur de 49", on en fabrique un tous les 10 ou 15 ans, faites les comptes. » A Almeria, chez les nageurs, la joie est mêlée à l'inconnu. La natation algérienne n'est pas l'athlétisme qui a ses ancrages. Cette discipline qui a offert les premières médailles d'or à l'Algérie lors de ces Jeux méditerranéens a besoin d'être bien aidée. L'issue pour une progression et pour de futurs titres mondiaux est toute indiquée.