Professeur à l'Institut des études diplomatiques d'Abou Dhabi, Nasser Al Ayadhi, un intellectuel algérien expatrié aux Emirats arabes unis, a mené une enquête pour comprendre comment les jeunes Emiratis utilisent-ils Internet. Il a pris ensuite le soin de comparer les moyens technologiques qu'offre ce petit pays du Golfe de trois millions d'habitants avec l'Algérie qui, selon l'auteur de l'enquête, « est déjà en passe de perdre subrepticement la bataille du multimédia ». L'enquête démontre que la plupart des jeunes (soit huit jeunes sur dix) naviguent dans la toile à la maison, ce qui dénote un degré élevé d'équipement dont bénéficient les foyers, contrairement à l'Algérie où seules les familles aisées possèdent un ordinateur. « Les Emirats ont beaucoup investi, ces dernières années, dans les nouvelles technologies, indique Layadi. Il n'y a qu'à voir le nombre impressionnant de cybercafés ouverts depuis 1995 (environ 191 dans la seule ville d'Abou Dhabi) et les prix dérisoires pratiqués (5 dirhams l'heure, environ 10 DA). » Et d'enchaîner avec amertume : « Ce n'est pas le cas de notre pays où la bataille de la technologie est, semble-t-il, perdue d'avance à cause de l'absence de stratégie de la part des pouvoirs publics qui n'ont consenti aucun investissement sérieux et prometteur dans ce domaine. » Que cherchent les Emiratis dans l'internet ? L'enquête a révélé trois centres d'intérêt : d'abord la recherche d'informations générales (voyages, sports, achat, voitures...), la lecture de la presse nationale et internationale (journaux et radio) puis enfin l'utilisation de moteurs de recherches pour des besoins pédagogiques (études, apprentissage...). Aussi, la discussion par Internet, ou « tchatche », est citée par l'auteur de l'étude comme étant un élément important dans l'utilisation du web par les jeunes Emiratis. Bien que la société soit restée conservatrice, le sexe féminin (les jeunes filles notamment) s'adonnent, elles aussi et en masse, à la distraction électronique. A la maison ou à l'université. Plus que cela, certaines osent même pénétrer dans des centres de discussion virtuelle et dialoguent avec les hommes. Nombreuses, néanmoins, sont celles qui le font en cachette des parents ou du grand frère, contrairement aux garçons qui semblent jouir d'une liberté sans limites. A la lecture de l'étude, on comprend vite que l'internet n'est plus un luxe dans la société émiratie et dans les autres pays du Golfe. C'est un élément qui fait partie de la vie quotidienne des gens. Toutes les universités et les écoles techniques sont pourvues de ce moyen de communication. Il n'y a pas un institut ou une école où la connexion haut débit fait défaut. « La situation est complètement différente en Algérie, note Al Ayadhi qui connaît bien le système universitaire pour avoir été professeur d'université durant de nombreuses années. Le mot retard ne convient plus à notre pays. Nous sommes tombés dans un gouffre technologique duquel il est désormais difficile de sortir, tant qu'il n'existe pas de volonté politique de faire de cet instrument un moyen de communication et de développement majeur. » Et de citer les raisons qui, à ses yeux, freinent la popularisation d'internet : un réseau de télécommunication archaïque, cherté de l'équipement informatique, inexistence de cet équipement même dans les universités et autres lieux de savoir, cherté des prix de la connexion et absence de vision stratégique et télécommunicationnelle claire, sans pour autant oublier la tentative de réduire les sources d'information et les circuits de communication chez les citoyens pour des raisons qui peuvent être d'ordre politique ou idéologique. Pour ce spécialiste en communication, l'Algérie doit mettre en place « un plan Marshal » pour rattraper le retard qui la sépare de ses voisins marocains et tunisiens en termes du multimédia, sans parler des pays du Golfe dont le taux de connexion est égal ou parfois supérieur à celui des pays européens.