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Le nouveau code de la famille et l'insémination artificielle
Publié dans El Watan le 02 - 07 - 2005

L'article 45 du nouveau code de la famille entend gérer la fécondité des hommes et des femmes en régissant les mises en application des méthodes d'insémination conçues pour traiter les différents cas de stérilité ou d'infécondité des couples algériens.
Au-delà d'une apparence de simplicité trompeuse, cette nouveauté aura des répercussions et des retombées considérables sur le destin des hommes et des femmes sur la filiation des enfants et sur l'équilibre de la famille algérienne. Cet article régentera, déterminera et parfois restreindra le droit des Algériens et des Algériennes d'avoir des enfants. Le nouveau code de la famille soumet le recours aux méthodes d'insémination ou de fécondation artificielles aux conditions suivantes : 1- La légalité du mariage. 2- Le consentement des deux époux et de leur vivant ; ceci pour prohiber les inséminations post mortem devenues possibles avec le développement de congélation des spermatozoïdes permettant ainsi la naissance d'enfants longtemps après la mort de leur géniteur. La dernière condition ainsi qu'une interdiction retiendront notre attention et appellent notre commentaire. La condition : la fécondation doit se faire avec la semence des deux époux. La fécondation est l'accouplement du spermatozoïde de l'homme avec l'ovule de la femme, elle se fait donc avec la semence fécondante des deux époux. L'interdiction : il est interdit de recourir à l'insémination artificielle par le procédé de la mère porteuse. Le commentaire et la compréhension de ces dispositions nécessitent les préliminaires suivants : Les stérilités qu'elles soient masculines ou féminines sont de deux types : 1- Les stérilités dites tubaires, les personnes qui en sont atteintes ont des spermatozoïdes (pour l'homme) et des ovules (pour la femme) tout à fait fécondantes et fécondables - en qualité et en quantité -, mais cette semence humaine ne peut être acheminée par les voies organiques ordinaires en raison d'obstruction ou d'anomalies des canaux conducteurs. On remédie à ce genre de situation par un contournement des chemins naturels en utilisant des procédés artificiels, notamment en mettant les spermatozoïdes et les ovules en contact soit in utero (dans l'utérus de la femme ) soit in vitro, dans une sorte de tube en verre afin que se réalise, ici où là, le processus de fécondation. Le choix in vitro ou in utero dépend de l'aptitude de l'utérus féminin à la nidation (nous y reviendrons). 2- Les insuffisances gonadotrophiques : dans ce cas l'homme ou la femme ou les deux n'ont pas une semence fécondable ou fécondante, en qualité ou en quantité. Les traitements sont divers : soit on remédie à cette déficience par des moyens thérapeutiques lorsque cela est possible, notamment par des traitements hormonaux ; soit par une substitution de semence lorsque cela est permis et admis. 3- Enfin une dernière catégorie spécifique aux femmes et qui n'est pas une stérilité au sens propre du terme parce que la femme peut enfanter, mais elle a un utérus impropre à la nidation, c'est-à-dire l'accueil de l'embryon durant toute l'embryogenèse et l'hébergement, l'accompagnement de l'enfant jusqu'à la naissance. La fécondation se fait normalement, mais la grossesse n'arrive pas à terme. Les traitements prescrits dans ces cas susmentionnés sont variables en fonction du type de stérilité ou d'anomalies en présence. Dans les cas de stérilité tubaire on recourt à l'insémination artificielle en fécondant artificiellement les semences de deux conjoints ; c'est ce qu'on appelle l'insémination artificielle par conjoint ou par abréviation (IAC). Dans ce cas-là aussi bien l'époux que l'épouse sont les parents biologiques de l'embryon et de l'enfant à naître. Dans le cas des insuffisances gonadotrophiques incurables où les traitements hormonaux sont inefficaces, on recourt à une substitution des spermatozoïdes ou des ovules défaillants par des semences d'autres personnes (l'homme ou la femme, selon les cas) c'est ce qu'on appelle l'insémination artificielle par donneur. Dans ces cas de figure, les statuts de l'époux ou de l'épouse sont variables, celui dont la semence est défaillante ne sera que le parent juridique de l'enfant, celui dont la semence a réellement fécondé ou été fécondée est le parent embryonnaire ou biologique. Il faut signaler ici que la mère est dans une position, et dans des variantes que l'homme ne connaît pas, car en donnant l'ovule elle est mère génétique, et en menant la grossesse elle est mère biologique, elle peut être les deux à la fois ou l'une ou l'autre distinctement, si elle n'est ni l'une ni l'autre elle ne sera que la mère juridique. Le père par contre ne connaît pas de situations aussi diverses. Il est ou le père juridique ou le père génétique. Dans le dernier cas de l'incapacité du fœtus maternel à la nidation, et lorsque la mère a des ovules tout à fait fertiles, on recourt à la pratique des mères porteuses ; là la fécondation se fait normalement par les voies naturelles, l'embryon qui en résulte est prélevé de l'organisme maternel, puis sera implanté dans l'utérus d'une autre femme qui l'accueillera et le portera jusqu'à terme. C'est le phénomène du dédoublement de maternité où on se trouve devant :
Une mère qui a fourni l'ovule et qu'on appelle mère génétique ou mère embryonnaire. Une mère qui assure l'embryogenèse durant toute l'évolution et qui sera la mère biologique.
Ce dernier cas est prohibé par le nouveau code de la famille. Signalons de prime abord une erreur de traduction de la version arabophone du texte qui traduit la mère porteuse par mère de substitution, alors que cette formule est davantage appropriée à la mère qui offre l'ovule de substitution. Le traducteur a donc utilisé une formule appropriée aux insuffisances des gamètes (ovules ou spermatozoïdes insuffisants ou défaillants) et l'a appliquée d'une façon impropre et inappropriée à une autre forme d'anomalie et de traitement. Mère de substitution : insuffisance hormonale. Mère porteuse : utérus impropre à la nidation. Le texte a utilisé la seconde à la place de la première. Ces clarifications sont nécessaires à la compréhension et à l'évaluation du texte de loi. L'article 45 du nouveau code de la famille réglemente l'insémination artificielle en énonçant quatre interdictions : 1- L'interdiction de l'insémination en dehors du mariage, ce qui est tout à fait cohérent. 2- L'interdiction de la fécondation post mortem peut donner lieu à un vaste débat ; elle s‘explique à mon avis par la peur de l'inconnu ; l'idée d'enfants naissant longtemps après la mort de leur géniteur fait un peu peur par les situations inédites et inconnues qui peuvent se présenter. Ce cas de figure peut bouleverser certaines règles fondamentales du droit relatives à la filiation à l'état civil, aux successions et que sais-je encore ? 3- L'interdiction de l'insémination artificielle par donneur. On estime, et sans doute à juste titre, qu'on n'est le fils ou la fille que de celui et celle dont on porte les gênes. Le texte interdit donc aux femmes ayant une ovulation normale et ayant un fœtus accueillant de donner la vie en recourant aux spermatozoïdes d'une personne autre que celle de son conjoint. C'est un vaste débat. 4- L'interdiction du recours aux mères porteuses, cette prohibition est à nos yeux discutable et interpelle le commentaire suivant : cette disposition interdit aux femmes, même mariées ayant une ovulation normale, mais un utérus inapproprié, de recourir à la technique des mères porteuses c'est-à-dire une femme qui accepte de prendre l'enfant dans son utérus jusqu'à la mise au monde. Il interdit aussi aux femmes, ayant un utérus défaillant, mais une ovulation adéquate, de connaître les plaisirs inégalés de la maternité. Il est donc interdit aux couples ayant des sécrétions normales, mais dont la femme a un utérus défaillant, d'avoir un ou des enfants par le recours à une mère qui offre généreusement son utérus pour accueillir l'enfant de sa sœur, sa cousine ou son amie. On ne pourra donc suppléer aux défaillances de l'utérus que par une embryogenèse en laboratoire qui ne peut jamais donner les mêmes conditions que le corps humain. Ne peut-on pas imaginer qu'une femme aux gamètes défaillantes offre son utérus à une femme à l'utérus sain et aux gamètes défaillantes, et auront toutes les deux et l'une grâce à l'autre les plaisirs de la maternité. Le texte algérien n'autorise que la maternité totale, il interdit les dédoublements de maternité qui découlent du fait d'une mère génétique qui offre son ovule, et d'une mère biologique qui accueille l'embryon dans ses entrailles. Cette situation peut certes poser des problèmes délicats, mais gérables. De plus, ces techniques ouvrent les voies du bonheur à beaucoup de femmes et pour cela elles méritent un effort de réglementation au lieu d'une prohibition pure et simple. Le texte en question n'a pas fait l'objet du large débat qu'il aurait dû avoir, il a été concocté par des bureaucrates sans consultation et sans commentaire de spécialistes. Ainsi conçu, le texte élargit le cercle des stérilités désespérées et réduit celui des fécondités même artificielles. Il pénalise et frustre des couples à qui la science peut offrir une descendance et la joie des enfants. Il y aura toujours derrière une interdiction sans justification l'alibi religieux. Cet échappatoire est commode, mais peu convaincant, ces problématiques étant inconnues du temps du Prophète, ce dernier ne s'est donc pas prononcé sur la question. La prohibition ou la licéité de ces techniques sont des affaires d'ijtihad et celui-ci ne peut découler que d'un débat qui n'a pas eu lieu.
Nasreddine Lezzar (*)
(*) Avocat


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