On se bouscule sur l'esplanade du lycée et sur le toit du poste de garde. Au-dessus des têtes de dizaines de personnes, des potaches sont tout contents de pouvoir se percher sur cette petite dalle, des affiches dans la main. On en fait lecture à l'attention d'une foule noyée dans le vacarme. La cohue fait prendre le risque de perdre autant le compagnon que les souliers. La place ressemble, à s'y méprendre, à un marché. Pourtant, on ne vend rien au lycée El Hammadia, au cœur de la ville de Béjaïa. Dimanche 3 juillet, il est 20 h passées, tous les présents sont là pour les résultats du baccalauréat. L'information a vite circulé et on ne doute pas que la direction de l'éducation (DE) ait pris ses dispositions. C'est promis : la liste sera sur le Net dès 20 h et c'est la radio locale qui l'a annoncé, citant les responsables de Tanmahla n'laqraya (direction de l'éducation). Les représentants du département de Boubekeur Benbouzid n'oseront tout de même pas poser un lapin à tout ce beau monde ! Et pourtant ! Ruée vers les cybercafés. www.onec-dz.org est vide, il est « en construction » avant de passer « en maintenance » le lendemain. Clic et « reclic », les souris sont mises à rude épreuve. Les candidats sont impatients et désorientés. Au lycée El Hammadia, d'où les copies d'examen sont sorties corrigées depuis près d'une semaine, on n'arrive pas à consulter les listes. Bizarrement, la proclamation des résultats se fait par des jeunes, dont même des mineurs, du haut du poste de garde du lycée. L'établissement subit un siège. Impossible de distinguer les noms hurlés des papotages des dizaines de présents. L'accès aux quelques listes affichées sur un tableau est un exploit. Il faud faire des pieds et des mains pour y arriver. Les lieux ne sont pas éclairés et les listes à peine lisibles. Elles sont tirées à un seul exemplaire. On lésine sur les moyens. Certaines candidates, repartent les yeux embuées de larmes pour n'avoir pas entendu leur nom parmi les reçus. D'autres rentrent chez eux, l'assurance d'avoir été admis ou recalés. Au même moment à une encablure de là, devant le siège de la DE, une autre foule de candidats et de leurs proches fait le pied de grue. On s'agglutine devant un portail désespérément fermé et derrière lequel la liste des candidats libres admis vient pourtant d'être affichée. Elle ne leur fait pas face. Elle semble les narguer. Personne à l'intérieur de l'édifice pour la rendre utile. Le gardien explique qu'il n'y peut rien. Un étudiant est autorisé à passer de l'autre côté du portail pour faire, autant que faire se peut, la lecture des résultats, filière par filière, nom par nom, et presque inutilement. Parmi la foule, quelqu'un tempête en réclamant « un peu de considération ». Il faudra prendre son mal en patience le temps de songer à faire fonctionner le service des examens exceptionnellement pendant cette « nuit de doute ». En attendant, le fameux tableau n'est déplacé à l'extérieur que le lendemain mais on ne consent toujours pas à multiplier les points d'affichage. La restriction est encore là. Le désenchantement aussi. L'organisation n'a pas été à la hauteur de l'événement et les responsables du secteur ont raté le rendez-vous. Si la déception est vite effacée par le bonheur de se savoir admis pour les quelque 4000 heureux candidats, elle est cependant double pour les près de 12 000 recalés. Le réconfort n'était surtout pas à chercher dans le maigre taux d'admission de 25,89 % parmi les scolarisés.