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La rigueur de l'administration face à l'ire des locataires
CONSTRUCTIONS ILLICITES A Tipaza
Publié dans El Watan le 26 - 07 - 2005

On s'en souvient, lors de sa visite d'inspection au niveau de la plage Bleue, l'actuel ministre du Tourisme, après avoir constaté la prolifération des constructions illicites, qui ont défiguré le domaine public maritime dans cette partie est de la corniche du Chenoua, de la commune de Tipaza, avait pris la décision d'appliquer les lois de la République et ordonné leur destruction afin d'assainir les lieux et réhabiliter ces endroits paradisiaques, qui seront intégrés dans la zone d'expansion touristique de la plage Bleue, en voie de classement.
L'opération de démolition des habitations a été alors entamée. 66 constructions, sur un total de 143, qui ont fait l'objet d'un procès-verbal de l'inspection de l'urbanisme ont été rasées, tandis que la brigade mixte a lancé une opération de recensement des constructions illicites, qui concernera tout le littoral allant de la plage Benaouda jusqu'à la carrière, en passant par celle du Caroubier. A l'unanimité, chacun s'accorde à dire que ces constructions ont été érigées grâce aux multiples complicités à l'échelle locale. Nous avons pu rencontrer les citoyens qui s'estiment lésés par la décision du ministre du Tourisme. Au nombre de 28 locataires, ils nous ont exhibé le document pour prouver qu'ils avaient constitué l'association des familles de la plage Bleue, une association agréée par la wilaya de Tipaza le 20 mai 1990 suivant la décision n°306 portant la référence 403. Le responsable du service de la réglementation et de l'administration générale de la wilaya de Tipaza, contacté par nos soins, nous affirme que ce document en question n'est plus valable, d'une part, car il n'est pas conforme à la loi 90-31 du 4 décembre 1990, et d'autre part, les services de la wilaya de Tipaza, conformément à la réglementation, ont émis un avis défavorable à leur récente demande d'agrément. Les locataires des bungalows, dont l'écrasante majorité habitent les wilayas d'Alger et de Blida, ne disposent pas d'actes de propriété. « Ecoutez, nous avons toujours occupé ces lieux, depuis des décennies. Nos enfants et petits-enfants passent chaque été leurs vacances ici. Regardez ces anciennes photos », déclare un des locataires. L'autre interlocutrice dénonce le comportement du président de l'APC de Tipaza et du chef de la daïra de Tipaza. « J'ai moi-même saisi ces autorités locales pour les informer sur les débuts des travaux des constructions illicites. Personne ne s'est inquiété. Au contraire, je me suis rendue compte que ces personnes étaient des amis à ces responsables locaux. D'ailleurs, ils venaient souvent en compagnie des gens qui avaient engagé les travaux illicites au bord de la mer », ajoute-t-elle avec amertume. Les responsables de l'urbanisme et de la construction affirment que des PV ont été établis à l'encontre de toutes ces constructions érigées sur la plage Bleue et aucun permis de construire n'a été délivré. Seulement, le président de l'APC de Tipaza n'est passé à l'action qu'après avoir été mis en demeure par le membre du gouvernement.« Pourtant, les services de l'urbanisme et de la construction avaient saisi le président de l'APC sur des constructions illicites apparues dans la ville de Tipaza même. Mais le premier magistrat de la commune n'a pas réagi et avait laissé ces citoyens achever illégalement les travaux. Ce laisser-aller signifie qu'il y a anguille sous roche », précisera un responsable. Le président de l'APC leur avait délivré des autorisations d'aménagement, un alibi pour réaliser des travaux en dépit des mises en demeure de l'inspection de l'urbanisme et de la construction de la daïra de Tipaza. Un des locataires nous montre, à son tour, une attestation signée par l'APC de Tipaza, en date du 28 novembre 1984, l'autorisant à aménager son cabanon, après s'être acquitté du droit de place. En cas d'utilité publique, le locataire ne pourra prétendre à aucune indemnisation des frais engagés sur ce cabanon. Les locataires de ces cabanons de la plage Bleue nous exhibent des documents officiels dûment signés par l'inspection des domaines de Tipaza et enregistrés - ils datent du 19 juin 2005 - qui justifient le paiement des droits de place. Interrogé par nos soins sur l'existence de ces documents, le directeur des domaines de la wilaya de Tipaza ignore cette situation.En revanche, l'inspecteur des domaines de la daïra de Tipaza reconnaît avoir perçu les règlements des droits de place. Les locataires des cabanons de la plage Bleue avaient introduit une demande d'audience, le 25 juin 2005, auprès du chef de la daïra de Tipaza pour défendre leur cause, après la démolition et le saccage de leurs biens, en vue d'entreprendre des démarches auprès des autorités compétentes. Le président de l'APC de Tipaza a d'abord tenu à confirmer ces déclarations. « Oui, vous pouvez l'écrire », nous dit-il. « Je suis seul dans cette situation, aucune administration ni institution n'est venue m'aider », déclare-t-il. Le responsable de la Gendarmerie nationale réfute ces accusations. « Il ne nous a jamais sollicités pour l'assister à l'exécution des décisions. Si la situation est arrivée à ce stade, c'est parce qu'il y avait une fuite en avant de sa part », ajoute le représentant de la Gendarmerie nationale. Le responsable de l'urbanisme et de la construction abonde dans le même sens. « Nous l'avons toujours saisi par écrit sur les constructions illicites dans sa commune. Alors pourquoi ne réagit-il pas et pourquoi affirme-t-il qu'il est seul ? », s'est interrogé notre interlocuteur. Après avoir remis les documents des locataires des bungalows au président de l'APC de Tipaza. « Je ne suis pas au courant de ces documents et je ne savais même pas qu'ils payent les droits de place. D'ailleurs, je n'ai reçu aucun courrier de leur part et je n'ai pas d'archives sur ces gens-là », enchaîne-t-il. Le président de l'APC de Tipaza développe son idée relative aux constructions illicites. Il vient de concevoir un aménagement du site de la plage Bleue qui s'étend sur une superficie de 10 560 m2, pour éviter une nouvelle agression. « Pour combattre ce fléau, il faudra que chaque responsable agisse, car aujourd'hui, grâce aux factures de l'électricité, les propriétaires des constructions illicites sont identifiés. J'ai 72 affaires en justice contre les constructions illicites. A cause des lenteurs, je ne veux rien faire, car à l'époque on n'avait pas le droit de démolir. Vous savez, l'arrêté de démolition est l'étape finale. Je demande l'aide et non pas l'assistance des services de l'administration et de la sécurité », conclut-il. Face à la rigueur de l'administration et l'ire des locataires des bungalows, c'est l'implication directe des responsables locaux dans la multiplication des « résidences illicites » au bord de la mer et sur les sites archéologiques qui est dénoncée par nos interlocuteurs. Seule une enquête approfondie déterminera le degré de la complicité et l'ampleur du scandale. Ces constructions illicites au bord de la partie est de la corniche du Chenoua se sont développées d'une manière incroyable depuis la fin de l'année 1990 et le début de l'année 2000. C'est l'affirmation du président de l'APC de Tipaza. Mais où étaient les représentants de l'Etat pour avoir fermé les yeux sur ce désastre écologique ?

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