A vrai dire, ce n'était même pas du suspense tant la question semblait entendue. Au printemps dernier, alors que l'Egypte allait vivre une révision constitutionnelle, l'ambiance était à l'euphorie, celle que procure un succès, et dans le cas présent, une victoire électorale. Même avant l'heure puisque l'élection présidentielle en Egypte n'aura lieu que le 7 septembre. Mais l'opinion de ce pays était déjà préparée à la continuité, et c'est pourquoi la candidature du président sortant Hosni Moubarak, annoncée jeudi dernier, n'a soulevé aucun doute. Elle était acquise, et même sa victoire est perçue comme une simple formalité puisqu'on estime d'ores et déjà qu'aucune figure connue ne peut s'y opposer, tandis que les indépendants qui peuvent poser problème font, quant à eux, face aux problèmes liés aux conditions de leur acte de candidature. Autrement, ne sera candidat qui le voudra. Ainsi donc, le président égyptien, 77 ans, s'est porté jeudi candidat à sa succession. M. Moubarak, au pouvoir depuis un quart de siècle, a annoncé qu'il briguerait un cinquième mandat lors du scrutin du 7 septembre, le premier en Egypte au suffrage universel et multipartite. « Je suis décidé à demander la confiance du peuple égyptien pour un nouveau mandat », a déclaré M. Moubarak. « L'Egypte est à la croisée des chemins, régresser ou aller de l'avant », a encore dit le président égyptien, sans cesse interrompu par des partisans enthousiastes qui scandaient : « Nous t'avons choisi ». Tenant avec fermeté les rênes du pouvoir depuis l'assassinat, en 1981, du président Sadate, M. Moubarak n'a pas de risque de les perdre en sollicitant, pour la première fois et directement, les suffrages de 32,5 millions d'électeurs. Le terrible attentat de Charm El-Cheikh, avec ses 67 morts, après celui de Taba, en octobre 2004, semblent avoir eu pour effet de tétaniser une opposition en plein réveil depuis un an et demi, mais divisée et sans figures de proue. Depuis l'attaque du 23 juillet, les courants d'opposition n'ont pu que joindre leurs voix au pouvoir au nom de l'unité nationale. Mohammed Mehdi Akef, le chef spirituel des Frères musulmans, interdits mais tolérés, a condamné publiquement l'attentat, indiquant jeudi ne pouvoir réagir à chaud aux propos de M. Moubarak. Quant au mouvement laïque Kefaya (cela suffit), il a appelé au boycott du scrutin. Son porte-parole, George Isaac, a déclaré que M. Moubarak « n'avait tenu que des propos creux » sur la démocratisation. « Pour faire face au danger terroriste, il est clair que l'Egypte a besoin d'un chef expérimenté », a déclaré Mohamad Ragab, un dirigeant parlementaire du parti gouvernemental, le Parti national démocrate (PND). Et pour désamorcer les questions sur la santé du Président, qui aura 83 ans à la fin de son nouveau mandat, son Premier ministre Ahmed Nasif a déclaré à CNN que M. Moubarak, un « leader mondial », était « en très bonne santé ». La candidature de M. Moubarak doit obtenir, une simple formalité, l'aval du bureau politique du PND, dirigé par son fils cadet Gamal, qui pendant des mois a fait figure d'héritier à la succession de son père, amenant certains courants et observateurs à parler de régime dynastique. M. Moubarak, qui avait annoncé en février dernier sa décision d'opter, pour la première fois dans l'histoire de l'Egypte, pour un scrutin multipartite, a aussi assuré que l'élection du 7 septembre serait transparente et honnête. Cette décision avait été perçue par les observateurs comme un geste du Caire envers les Etats-Unis, dont le souci serait de protéger un régime allié dans une région stratégique, tout en lui insufflant une apparence plus démocratique. C'est ainsi qu'ils ont semblé s'accommoder de la révision constitutionnelle de mai dernier, donnant tort à l'opposition qui parlait de verrouillage. Cependant, Washington avait condamné les violences des services de sécurité et des partisans du PND contre des membres de l'opposition et des journalistes lors du référendum du 25 mai, qui adopta l'amendement constitutionnel. Mais tout compte fait, Moubarak est ainsi assuré d'un nouveau mandat en raison, par ailleurs, du boycott annoncé du scrutin.