Je confectionne 20 robes par jour en travaillant du matin au soir pour 5000 DA par mois sans que je sois déclarée à la sécurité sociale », affirme, résignée, Souad. Couturière dans un atelier privé à Tizi Ouzou, cette fille de 24 ans, qui a quitté l'école très tôt, fait partie des dizaines de femmes employées au noir dans les ateliers de la ville. « Je suis couturière de formation et je n'ai pas les moyens de lancer un atelier. J'ai cherché vainement un emploi pendant une année et demie. Aujourd'hui, pour aider ma famille, je suis obligée de travailler dans ces conditions en attendant de trouver mieux », dit-elle encore. Cette pratique de travail sous-payé et au noir est fréquente dans les fabriques de vêtements situées essentiellement à la nouvelle-ville de Tizi Ouzou. « Nos employeurs nous considèrent comme des esclaves qui doivent travailler sans arrêt et sans la moindre réclamation », ajoute Souad. Certains patrons, trop préoccupés par le gain rapide et au moindre coût, ne tolèrent aucune absence même justifiée. Ils n'hésitent pas à procéder au renvoi de celle qui s'absente pour quelques heures. Elle est aussitôt remplacée par une autre recrue et dans les mêmes conditions. Karima, âgée de 28 ans et célibataire, a déjà fait les frais de cet abus. « Mon patron n'a accepté aucune justification pour une abscence d'une journée », témoigne-t-elle. « Mes collègues ont protesté contre sa décision, mais il a fait la sourde oreille. Il a menacé de licenciement certaines filles qui me défendaient », dénonce-t-elle. Installée chez sa cousine à Tizi Ouzou depuis quatre ans, elle veut à présent rentrer dans son village à Tassaft pour fuir le calvaire de l'exploitation. « Pendant toutes ces années, raconte-t-elle, j'ai pratiqué ce métier de couturière dans plusieurs ateliers de la ville de Tizi-Ouzou. Les conditions de travail étaient toujours les mêmes. » Les salaires, très en deçà du SMIG, sont versés avec du retard. Les employées sont parfois insultées pour avoir réclamé une augmentation. Mais, pour ne pas être dénoncé par les employées, « le patron devient conciliant avec nous dès qu'il y a inspection des impôts ou des services de la direction de la concurrence et des prix de la wilaya », déclare Nassima, une apprentie. Quant à l'inspection du travail, elle n'a pas encore orienté ses investigations vers ce secteur, nous disent les employées de l'atelier. Notre interlocutrice enchaîne : « Le patron nous a demandé de ne pas renseigner les services des impôts sur l'importance de l'outil de travail. En contrepartie, il nous promet d'augmenter nos salaires mais il ne tient pas ses promesss. » Entre exploitation, brimades et fausses promesses, les filles des ateliers de confection continuent de trimer pendant des années afin de subsister elles et leur famille, en attendant des jours meilleurs.