Aujourd'hui Tiaret, Chlef, Djelfa, Tissemsilt et Skikda ; hier Djanet, Tamanrasset, Béchar, Ksar El Hirane, Sidi Amar... L'émeute s'inscrit dans le vécu des Algériens depuis la baisse de la violence terroriste comme l'expression spontanée d'une population qu'on n'écoute pas. « Il faut que l'Etat respecte notre patience », déclaraient à El Watan des notables targuis suite aux émeutes qu'a connues Tamanrasset début juillet. Le mal-vivre du citoyen est d'autant plus insupportable lorsqu'il constate que l'Etat affiche fièrement l'excellente santé des finances publiques avec, par exemple, une hausse de 40% du budget de l'équipement. Les vagues de discours optimistes des officiels s'écrasent contre les rochers des réalités quotidiennes. Cette maldonne d'ordre économique révèle d'abord un déficit de gouvernance où la distribution de la richesse nationale se heurte à la logique d'un Pouvoir dissocié de sa société. Une commune, cellule première du pouvoir politique, n'arrive qu'à de rares exceptions à établir la carte exacte de la précarité dans les limites de ses compétences. Deuxièmement, l'émeute semble répondre à une profonde crise de la représentation. Crise accompagnée par la négation de toute possibilité d'expression hors des circuits clientélistes. La société civile ne semble exister, aux yeux des gouvernants, qu'en tant que société servile. « En refusant l'institutionnalisation du conflit social, l'expression autonome des revendications et la représentation politique de la société selon les intérêts en conflit, le régime politique génère l'émeute, expression extrême et violente de la prise de parole », souligne notre collaborateur Mohammed Hachmaoui. Troisième enseignement, les pouvoirs publics donnent une forme signifiante à leur réponse à l'émeute : le mépris et la répression. Les citoyens de Béchar qui se sont soulevés suite aux incessantes coupures électriques sont qualifiés par leur propre chef du gouvernement de citoyens étrangers, victimes de manipulation. Les émeutiers de Tamanrasset et de tant d'autres villes et localités du pays n'ont eu d'autres réponses que le bras séculier de la justice. Les problèmes sociaux, le chômage, la crise de logement, l'approvisionnement en eau, en gaz et en électricité, la couverture scolaire demeurent insistants à l'ombre du mépris et de la répression. Le cycle des émeutes semble condamné à se poursuivre. A défaut d'une écoute qui réhabilite la liberté d'expression, d'association et d'action du citoyen.