La matinée, Skikda somnole, prolongeant mollement la monotonie de ses soirées passées à compter les étoiles et à repasser à l'usure et en flash-back le souvenir des douces nuits russicadiennes. La matinée, Skikda vaque aussi à ses petits soucis et se dissipe sous une chape de lourdeur qui l'envahit et la plonge dans une fournaise de poussière, d'humidité et de grisaille. De Bab Qacentina à la place du 1er Novembre, d'interminables files de véhicules concurrencent nerveusement des piétons à se frayer un chemin, tandis que sous les arcades, d'autres files de bambins se dirigeant vers les plages donnent le ton à un peu de fraîcheur. A quelques pas, les marchands de rue tentent une animation ombragée à quelques mètres seulement du marché couvert. Ailleurs, partout ailleurs, tout respire l'ennui, l'humidité et l'oisiveté. A midi, Skikda fait sa sieste et n'arrive plus à se défaire de cet écrin vide et silencieux qui la moule. Alors elle ronronne, et étrangement, les tintements des vagues qui portent les estivants paraissent si lointains. Pourtant, la mer est si proche. Tentaculaire russicada Elles est même à deux pas, mais Skikda ne trouve pas l'allure pour y parvenir. Alors elle s'endort. Puis, comme par enchantement et à 16 h sonnantes Skikda se réveille enfin. Elle redevient ville, redevient belle et jubile. Des milliers de pas, de rires, de sons, de belles filles et de couleurs surgissent d'on ne sait où pour occuper la rue et déclarer la ville ouverte à toutes les liesses. Car Skikda sait, elle la coutumière des allégresses, que les vides sont faits pour être comblés, alors elle se crée ses propres « fêtes » puisque les officiels tardent à manifester le moindre signe d'une animation ou d'une relance culturelle. Dans cette atmosphère de silence couvé et nourrie, parce que voulue, la ville refuse la platitude et s'innove de nouveaux penchants. Elle se la joue même en marraine de toutes les originalités. Ainsi, et n'en déplaise aux responsables des comités des fêtes, de la culture et de la création, chaque jour, à partir de 16h, les Skikdis prennent possession de leur ville et lui concoctent insidieusement le plus coloré et le plus joyeux des festivals : le festival des rues, le meilleur. 10, rue du mariage Trois artères de la ville se disputent le cœur de Skikda en se proposant en scènes vierges tous les spectacles. La rue Ali Abdennour, baptisée depuis Rue du mariage, la rue Mekki Ourtilani et la rue Bellizidia, et sans attendre un quelconque arrêté officiel, deviennent piétonnières par la force des choses. Par vocation surtout. Les quelques automobilistes, qui se hasardent à les emprunter à cette heure, passeront plus d'une heure pour parcourir quelques dizaines de mètres. Sur les trottoirs, ou accrochés aux murailles, tout est exposé dans une ambiance colorée : tissus, babioles, porcelaine, jouets... Les lieux sont investis exclusivement par la gent féminine qui y vient beaucoup plus pour l'exotisme des lieux que pour le besoin. Ça papote, ça marchande et ça rit. De véritables défilés de mode se relayent dans ces périmètres et allient isolement une beauté toute juvénile à un accoutrement des plus aguichants, le tout accordé à de légères notes de musique que des vendeurs de CD ambulants émettent en continu. Dans la continuité du spectacle, ces artères guident leur monde vers les Arcades où le flux des pas se fait à sens unique. Tout verse à la place du 1er Novembre. La Place comme l'appellent les Skikdis. Un point de repère que se donnent tous les promeneurs en quête d'autres balades. De là, un nouveau départ est donné pour une autre virée, plus longue et plus fraîche. Elle se fera aux sons des vagues le long d'une corniche de plus de trois kilomètres. Du Château Vert à Stora, les promeneurs se verront tentés par les nombreuses terrasses qui jalonnent la corniche. piste sans étoiles Paradis Plage, la Plage militaire, Casino, Marquet... à chaque plage ses terrasses, ses mets et ses prix. Mais la place Marquet aménagée depuis quelques années en un haut lieu de la gastronomie locale reste avec ses pizzerias, ses restaurants et ses terrasses l'endroit le plus approprié pour une halte familiale. De l'autre côté du tunnel de la corniche, Stora est là pour accueillir ses visiteurs qui auront à pencher pour une balade sinueuse à travers les sentiers des plages Molo, Miramar et la Carrière, ou à arpenter les quais du port de pêche. Toute cette virée pédestre prendra plus de deux heures, puis, il restera aux Skikdis à refaire le même chemin pour regagner la ville qui allume déjà ses réverbères. Qui commence aussi à compter les étoiles. Car il faut aussi le dire, les nuits de Skikda sont aussi vides que son ciel. Désertiques. Et n'était cette brise marine, on aurait juré qu'elle a perdu jusqu'à sa côte.