On appelle le 021 55 00... « ça schonne... Qu'est-ce que ch'ai mal... » ça ne répond pas. Deuxième tentative 021 55 00... La sonnerie est stridente. « Ch'est le fax. Tu ne connais pas un autre dentiste ? Cha urge et celui-là doit aussi être en congé », commente l'époux désespéré. Une nuit blanche avec un abcès dentaire et le dentiste de la famille coule un mois d'août heureux quelque part au bord de la mer. Ils ne connaissent pas d'autres dentistes et décision est prise d'aller aux urgences de l'hôpital Maillot en bifurquant par la pharmacie du quartier, histoire de prendre quelque chose qui calmera rapidement la douleur. Assis derrière son volant, son épouse à ses côtés, le malade a le visage crispé de douleur et de dégoût. En effet, en désespoir de cause, sa femme lui a mis dans la bouche du coton imbibé de quelque chose qu'il ne préfère pas savoir. Cependant, l'odeur qui émane de sa bouche lui rappelle vaguement quelque chose...Du vernis à ongle. Aurait-elle mis du vernis à ongle sur sa dent malade ? Il préfère ne pas y songer. Hiiiiiii ! Crissement de pneus. Le malade vient d'emboutir un J5 qui s'est arrêté brusquement. Il n'avait pas ses feux de stop. L'épouse affolée hurle et bouge dans tous les sens. Lui ne sait plus où il a mal. Il sort maladroitement du véhicule et s'aperçoit que l'avant est complètement cabossé. Le J5 a repris sa course folle. Impossible de démarrer la voiture. Le malade a oublié qu'il avait mal à la dent. Il peste en tentant de pousser sa voiture sur le bas-côté. « Passe-moi ton portable, je vais téléphoner à notre fils Mohamed pour qu'il vienne nous sortir de cette chienlit », hurle-t-il à son épouse. « Mais moi non plus je n'ai pas pris mon portable », s'excuse-t-elle. C'est qu'en réalité, elle n'a plus aucune unité depuis la discussion de la veille avec sa sœur. Mieux vaut prétexter qu'elle l'a oublié à la maison. « Mais c'est pas possible ! Tu l'as mise où ta tête ? », continue-t-il à hurler. Pas de téléphone aux alentours. Heureusement, quelqu'un s'arrête pour leur proposer de l'aide. Dilemme. Vaut-il mieux s'occuper de la voiture ou de la dent ? « Il y a un garagiste pas très loin d'ici. Venez avec moi, nous allons le chercher. » Quelques kilomètres plus loin, le garagiste en question a baissé rideau. Fermeture définitive ou congé annuel ? Le dentiste, le garagiste, la pharmacie du quartier, le boulanger, tous ont pris leur congé en août. Il faut même parcourir plusieurs mètres le matin pour acheter le journal. S'ils ne ferment pas boutique pour prendre leur congé annuel, la plupart des commerçants ferment quelques jours pour faire le ménage ou passer quelques coups de pinceau. Que l'on ne remarquera pas toujours. Gynécologue, cardiologue, dentiste... Dur de faire sans eux. A l'opposé, les coiffeuses, les couturières, les gargotiers et les vendeurs de glace marchent à plein régime durant ce mois d'été. « Je m'en f... des vendeurs de glace », répondrait le malade à la voiture cabossée. En fait, c'est à la suite d'un banana split que son mal de dent a débuté. Autre problème du mois d'août pour les couples qui travaillent : crèches fermées. Difficile de faire garder les enfants. Sauf à prendre son congé en même temps que l'établissement. Ce qui n'est pas toujours évident. Les mères de famille consciencieuses et prévenantes ont tout un plan d'action à l'approche du mois d'août : se réconcilier avec la belle-maman. On l'invite à plusieurs reprises dès le début juin. Histoire d'enterrer la hache de guerre et de la trouver disponible pour garder les mômes à la maison pendant le mois d'août. On supportera ses réflexions et ses sautes d'humeur. Pourvu qu'elles veuillent bien s'occuper des enfants pour août. Un mois, contrairement à février, qui n'a pas pu s'empêcher de compter 31 jours...