Le président de la République a lui-même fait le constat. La réforme scolaire n'est hélas pas sur la bonne voie. Cela va conforter tous ceux qui n'ont pu arriver à faire entendre leurs voix pour soutenir que le ministère de l'Education fait fausse route sur nombre de questions essentielles. La fondation Tayebi Larbi, lors d'un colloque, a établi un sévère bilan de la première année de la réforme. Pour la seconde, les choses ne s'annoncent pas meilleures, notamment en ce qui concerne l'introduction de l'enseignement du français avec un recrutement à la hussarde de 2000 enseignants pour encadrer la 2e année primaire au cours de l'année scolaire 2004/2005. En effet, cette opération n'a pas manqué d'interpeller les pédagogues quant à ses présupposés jugés pour le moins aberrant. En effet, pour les spécialistes, ce massif recrutement soulève plus de problèmes qu'il ne va en résoudre dans la mesure où dans ses multiples déclarations à la presse, le ministre de l'Education a laissé croire qu'il suffisait que les candidats dominent la matière à enseigner pour que le reste aille de soi, moyennant une formation en cours d'emploi. Dans l'affaire, le ministre de l'Education donne à penser que la maîtrise de transmission est secondaire, alors que c'est ce qui constitue le métier, un métier qui s'appuie tant sur la connaissance de la psychologie de l'enfant que sur la maîtrise d'un ensemble de techniques et de procédures plus ou moins complexes en matière de didactique et d'évaluation pédagogique. D'aucuns se demandent ce qu'est devenue la recommandation de la Commission nationale de réforme scolaire insistant sur le fait qu'aucun recrutement de postulants à l'enseignement ne devrait s'effectuer sans au préalable une formation initiale qualifiante. C'est en conséquence une formation sur le tas que les futurs enseignants vont devoir acquérir avec les néfastes conséquences que l'on peut imaginer sur la scolarité des enfants. Interrogé sur l'éventualité de ne recruter que des retraités, des instituteurs, pour 2004/2005, de façon à se donner le temps de former solidement une année durant les licenciés de français, un cadre du ministère n'osera pas se prononcer sur la question. Il sera même pris de court lorsqu'on lui signalera que la formation en cours d'emploi préconisée par le ministère est impossible à réaliser puisque sur le terrain les inspecteurs et les conseillers pédagogiques pour le français sont en nombre si dérisoire qu'ils n'arrivent déjà pas à assurer le suivi des enseignants actuellement en poste. « Il serait aberrant qu'en 2004 on se retrouve à reproduire ce qui a été fait dans l'urgence au lendemain de l'indépendance. Car si à l'époque il y avait des contraintes objectives liées à l'histoire, aujourd'hui, qu'est-ce qui peut justifier le bricolage ? », s'était-on interrogé lors d'un récent séminaire national portant sur l'évaluation de la première année de la réforme, séminaire qui s'est tenu à Sidi Bel Abbès. L'interrogation était à ce point opportune que de source proche du ministère, on reconnaît s'être aperçu tardivement que l'université ne forme plus que peu de licenciés en français, cela à telle enseigne que les candidats, qui n'obtiendront leur licence qu'à la fin de l'année universitaire en cours, sont appelés eux aussi à faire acte de candidature. A cet égard, la circulaire adressée aux directions de l'éducation, dans ses renvois à la réglementation, invite même au recrutement de licenciés dans d'autres disciplines pour peu qu'ils aient étudié un module en français.