Un nouveau manuel scolaire sur l'éducation islamique bannit le concept de djihad. Les islamistes ne se laisseront pas faire. Le ministère de l'Education a mis en circulation, depuis mercredi, le nouveau manuel scolaire sur l'«éducation islamique». Tous les paliers du fondamental sont concernés. Aussi, 12 livres sont-ils édités par l'Office national des publications scolaires. Tous les manuels ont été revus et corrigés par la commission pédagogique du ministère de l'Education nationale. La notion de djihad, contenue dans les précédentes éditions, a été supprimée, ainsi que d'autres thèmes renvoyant à une vision intégriste de l'Islam. Dans le livre d'éducation islamique destiné aux élèves de troisième année scolaire, à titre d'exemple, même si l'on peut aisément constater la présence encore un peu trop importante de la sanction divine, il n'en demeure pas moins que l'esprit est à l'éducation civique de l'enfant. Les autres paliers ont eu droit au même traitement. Cette intervention sur un sujet toujours très sensible et qui rejoint les recommandations de la Commission nationale de réforme du système éducatif (Cnrse) est à classer dans les effets de l'après-11 septembre. En effet, avant cette date, en juillet, le ministère de l'Education avait annoncé qu'il n'était pas question de l'application de la réforme contenue dans le document de la commission Benzaghou. Cette annonce avait, rappelons-le, succédé à une véritable campagne des milieux islamo-conservateurs menée par l'ancien ministre de l'Education, Ali Benmohamed. Les islamistes, rejoints par certains caciques du FLN, avaient tiré à boulets rouges sur le Président de la République l'accusant de tentative de laïcisation de l'école algérienne. Le vieux parti, sous Boualem Benhamouda à l'époque, a mis son grain de sel en soutenant implicitement les contradicteurs de Benzaghou, à travers des résolutions de son comité central. Les attentats du 11 septembre et la position de l'Algérie officielle vis-à-vis du terrorisme islamiste et de sa matrice idéologique, ont constitué un tournant dans l'équilibre des forces politiques internes, donnant plus de voix aux modernistes au sein du pouvoir, notamment sur le dossier de l'éducation nationale. Les islamistes, qui pensaient avoir remporté la bataille de l'école, ont été surpris, non seulement par l'évolution de la situation internationale, mais surtout par le changement à la tête du FLN. Benflis, lors de son premier discours en tant que secrétaire général du FLN, avait lourdement insisté sur la nécessité de soutenir la réforme de l'école dans la version de la Cnrse. Quelques semaines plus tard, c'est le chef de l'Etat qui revient à la charge en annonçant la tenue prochaine d'un Conseil des ministres destiné exclusivement à l'étude des recommandations de la commission Benzaghou. La sortie de Bouteflika n'a pas appelé de commentaire de la part des islamo-conservateurs, mais le pas franchi par le ministère de l'Education nationale est de nature à les réveiller. Il est attendu, murmure-t-on dans les milieux intégristes, la réactivation de Rabit El-Ouma, un rassemblement d'islamistes et de conservateurs, principal artisan du recul du pouvoir sur la question de la réforme de la discorde. Les modernistes, qui se retrouvent majoritaires dans les cercles du pouvoir, avec une alliance qui ne dit pas son nom entre le FLN et le RND, n'ont sans doute pas le même poids au sein de la famille de l'éducation. Cette dernière, globalement acquise aux idées islamistes, risque de monter au créneau en usant de mouvements de protestations. Une évolution que les observateurs n'écartent pas, sachant le caractère stratégique de la bataille qui s'annonce très dure entre modernistes, présents essentiellement au pouvoir, et islamistes qui tiennent l'élément moteur de l'école: les enseignants.