Eric Hazan est un éditeur de Paris qui publie des textes que les autres éditeurs ne publient pas. Et pour cause. Le directeur de la maison d'édition La Fabrique passe ses journées au tribunal, tout comme les journalistes et éditeurs algériens abonnés aux sinistres « mardis noirs ». Eric Hazan accumule les plaintes contre lui pour avoir publié la traduction du livre du chercheur américain Norman Finkelstein L'Industrie de l'holocauste. Le professeur américain démontre dans son essai comment la mémoire de l'holocauste est instrumentalisée à des fins politiques (légitimation de l'Etat d'Israël) et matérielles (les cachets importants versés à Elie Wiesel lors de ses tournées de propagande). Dans aucun pays où le livre de Norman Finkelstein est paru, il n'y a eu le moindre problème. Sauf en France où Eric Hazan a été accusé d'« incitation à la haine raciale » et d'autres absurdités du même type par des associations sionistes. Quand Hazan gagne un procès, ses ennemis font appel et la série noire continue pour lui. Jusqu'à présent, aucun journal n'a témoigné la moindre solidarité avec La Fabrique, financièrement très affaiblie par ces procès à répétition. Il semble que le passé d'Eric Hazan soit la cause du silence de la presse française. Eric Hazan était militant communiste et chirurgien de formation. Il a soutenu le combat des Algériens pour l'indépendance. Et dès 1962, il a travaillé dans les hôpitaux d'Algérie jusqu'à son départ pour le Liban, en 1975, quand il a rejoint ses amis dans un camp palestinien pour poursuivre son travail de médecin. Au décès de son père, il est retourné à Paris pour reprendre la maison que celui-ci avait fondée en 1945. C'est la naissance de La Fabrique, installée dans le quartier de Belleville. La Fabrique (www.lafabrique.fr) publie un choix très rigoureux d'une dizaine de titres par an. Dans son catalogue, on trouve le monumental et très bel album Les Orientalistes, synthèse remarquable de Christine Peltre sur les peintres de l'Orient romantique. Mais Eric Hazan s'intéresse surtout à l'histoire : les crimes coloniaux, le drame du peuple palestinien. Il fustige les récentes manipulations au Parlement français qui légitiment « l'œuvre de colonisation » et oublient les massacres des populations par l'armée française. Eric Hazan s'élève dans un récent article (revue Le matricule des anges de Cilles Magniont) contre les commémorations où l'on fait « une espèce de billard avec les camps de concentration, l'antisémitisme et l'antisionisme ». La Fabrique a publié récemment Rester sur la montagne, un livre d'entretien avec Mustapha Barghouti (fondateur avec Edward Saïd de la Nouvelle initiative palestinienne). Eric Hazan écrit ceci en quatrième page de ce livre : « Comme lors des guerres d'Algérie et du Vietnam, comme au temps de l'apartheid en Afrique du Sud, il est temps que l'injustice soit reconnue, que les droits du peuple palestinien l'emportent sur la force et que cesse la plus longue occupation militaire de notre temps. » Dans le collectif de La Fabrique, on trouve le grand philosophe Jacques Rancière, la romancière israélienne progressiste Amira Haas et le cinéaste, israélien aussi, Egal Sivan, qui a réalisé avec Michel Khlaïfi l'excellent documentaire Route 181.