Pour faire face aux difficultés de l'édition en Algérie, et afin de s'inspirer de l'expérience éditoriale du monde arabe, un colloque de deux jours sur la réalité et les perspectives de l'édition se tient depuis hier à Alger. “L'Algérie a concrétisé le projet d'édition de 1 000 livres, mais est-ce que ces livres sont disponibles et distribués dans les bibliothèques aujourd'hui ? Et y a-t-il une politique de la promotion du livre en Algérie et même dans le monde arabe, dans un contexte où en France par exemple on parle de livre électronique ?” s'est interrogé Tayeb Oueld Aroussi, le directeur de la bibliothèque de l'Institut du monde arabe à Paris, au cours de la première journée du colloque portant sur “L'Industrie et la promotion de l'édition : réalité et perspectives”. Placé sous le haut patronage du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, ce colloque de deux jours organisé à la salle des conférences Ali-Maâchi (Pins-Maritimes) par le Syndicat national des éditeurs du livre (Snel), devra traiter des cinq sous-thèmes : “La problématique des bibliothèques et de la lecture en Algérie” ; “Les textes de loi concernant le livre” ; “L'édition et la relation avec la presse” ; “La politique du livre en Algérie” et “L'édition du livre scolaire en Algérie”. Le constat pessimiste, certes, mais non moins pertinent de Tayeb Oueld Aroussi reflète largement la réalité du livre en Algérie et dans le monde arabe. Le tableau noircira davantage lorsqu'il annoncera certains chiffres. “Savez-vous que dans le monde arabe, on lit une demi-page par an, avec un pourcentage de seulement 3% ? La traduction dans le monde arabe ne dépasse pas le 1%. Or, un Anglais lit 11 livres par an, et la traduction vers l'anglais dépasse les 43%”, remarque-t-il. Une situation catastrophique et effrayante dans laquelle se débattent les éditeurs. Sont-ils altruistes et téméraires ? Certainement, surtout lorsqu'on sait qu'il n'y a pas de chaîne de l'édition, que les livres édités sont, dans certains cas, piratés, et que les bibliothèques sont quasi désertées. À ce propos, M. Oueld Aroussi a affirmé qu'“en Algérie, il n'y a pas de bibliothèques dans le sens scientifique et moderne”. Selon lui, le Centre national du livre (CNL) pourra, parmi tant d'autres missions, inciter à la lecture, d'autant que ce n'est pas un problème de lecteurs, mais de professionnalisme. “Les gens ne lisent pas parce que les responsables de structures autour du livre ne sont pas professionnels et ne connaissent pas leurs prérogatives”, estime-t-il, avant de clamer : “Arrêtons de bricoler !” En outre, lors de cette première journée où plusieurs personnalités du livre dans le monde arabe étaient présentes, les éditeurs algériens ont brillé par leur absence, n'était la présence des membres du Snel et de Lazhari Labter, directeur des éditions Lazhari Labter et des éditions Alpha. Les Maghrébins ont également manqué à l'appel. Toutefois, Ahmed Madi, président du Snel, a affiché son enthousiasme dans son allocution d'ouverture, en déclarant que “nous aspirons à une industrie culturelle”. Le secrétaire général de l'Union des éditeurs arabes abondera dans le même sens, en souhaitant un rôle plus effectif et déterminant des Algériens dans son organisation. Mohamed Adnan Salem, directeur de l'Union des éditeurs syriens, a relevé, de son côté, les problèmes dans lesquels se débattent les éditeurs syriens, et même arabes, en l'absence de partenariat et d'échange entre les pays arabes. En deuxième partie, l'auteur Lahbib Sayah a présenté un état des lieux de la lecture et du lectorat en Algérie, axant sa communication sur le roman seulement. Résultat : le lecteur francophone existe et le lecteur arabophone également, mais l'édition en français est beaucoup plus importante et conséquente. De plus, “les livres parviennent aux lecteurs par des canaux. Donc le canal existe, il faut juste que les éditeurs qui publient des livres en langue arabe empruntent le même chemin pour arriver au lecteur”. Ou peut-être faut-il trouver d'autres outils ?