Beaucoup de recherches ont confirmé le caractère social et historique de la linguistique, l'importance des facteurs extra-linguistiques dans les changements de signification de la vie humaine, des institutions, le développement de divers secteurs de la production, l'évolution des rapports dans une société donnée et entre les peuples, etc. Depuis une quinzaine d'années, on constate un regain d'intérêt assez remarquable pour la langue d'écriture chez un certain nombre d'écrivains algériens de langue arabe. Jadis reléguée au second plan comme simple véhicule d'idées, la langue est devenue une préoccupation majeure, les mots sont recherchés et les styles sont fouillés, travaillés et orientés. L'écrivain ne se contente pas d'ajuster des mots, ses mots à lui sur ceux de ses prédécesseurs, il leur ajoute quelque chose d'autre. Si après une phrase l'auteur ajoute une autre phrase, c'est qu'il y a par-delà la forme fixée de la phrase précédente, regain d'un fond, d'un débordement, la langue menant toujours à autre chose qu'elle. La langue arabe est toujours sacralisée en Algérie et toute tentative visant à bouleverser ce qu'elle a de sacré, entre autres son éloquence, est considérée comme une tentative de dénigrement véhiculée par un esprit étranger, voire ennemi (avec tous les soupçons que cela engendrerait). Bien sûr, au Moyen-Orient, dès la fin des années 1940, beaucoup d'expériences modernistes ont vu le jour. Chez nous, en Algérie, les expériences de quelques écrivains portés sur le modernisme devraient bénéficier de plus amples contemplations et donner l'exemple aux générations à venir. L'ambition de ces écrivains tend à améliorer la langue dont sont issus leurs écrits, de façon à dégager, de l'anarchie de leur message, un principe de création dans la langue elle-même. De cette recherche qui change avec chaque auteur, nous reconnaissons le dénominateur commun qui les lie tous et la langue nouvelle qu'ils veulent créer. Direction dominante d'une recherche, on constate des tentatives parfois hasardeuses pour obtenir, sur de plus amples espaces, l'analogie qui manque dans l'exercice local de la syntaxe et du lexique. En fait, ces tentatives, encore balbutiantes, sur la recherche dans la langue littéraire doivent être considérées, comme les changements de signification de certains mots, comme des phénomènes fondés sur des transformations de l'organisation de la société algérienne. Les comportements de cette dernière, les tentatives à l'état d'embryon qui sont amorcées çà et là entraînent parfois une certaine anarchie dans l'acte d'écrire. Mais l'expérience est à encourager pour donner à la création un nouvel atout, jusque-là absent. La recherche linguistique dans l'acte d'écrire est encore à l'état pionnier dans notre littérature de langue arabe, mais tant que le processus d'innovation est entamé, un grand espoir nous anime pour un avenir plein de promesses. D. K.