Si vous aimez la quiétude et la paix, sachez que la réconciliation n'est pas la fin du chemin », a déclaré le président Abdelaziz Bouteflika lors du meeting animé hier à la salle omnisports, à Rouisset, dans la ville de Ouargla, à environ 900 km au sud d'Alger, dans le cadre de la campagne référendaire en faveur du « oui » au « projet de charte pour la paix et la réconciliation ». « Je n'ai pas voulu administrer une piqûre fatale au peuple algérien », a-t-il poursuivi, reconduisant la parabole du traitement graduel aux conséquences de la « guerre civile », selon ses termes. Le président Bouteflika semble distiller peu à peu que l'idée de la « charte » n'est qu'une étape d'un long processus. Où devrait mener ce processus ? A l'amnistie générale annoncée par le chef de l'Etat en octobre 2005, puis éliminée peu à peu de ses discours et de ce qu'il fait apparaître comme démarche ? L'amnistie générale requiert une plate-forme politique, juridique, procédurière que le peuple n'a pas connue. Nous ne lui demandons pas l'amnistie générale. S'il me la donne, on revient à l'année où a fleuri le sel ?! », a-t-il dit, répétant qu'il serait peu sage de demander au président américain de revenir au 10 septembre 2001. Bouteflika avait demandé à l'opinion de « lire entre les lignes » son projet de « charte », mais il faudrait en fait lire, écouter et contextualiser sans cesse ses déclarations en s'armant d'une lecture « entre les lignes ». Beaucoup de questions s'imposent ? De quelle plate-forme parle le chef de l'Etat ? Une nouvelle Constitution ? Pourquoi semble-t-il justifier son recul par rapport à l'amnistie générale ? Veut-elle signifier la réhabilitation de l'ex-FIS ? Mais surtout, qu'est-ce qui empêche le chef de l'Etat, fort de sa réélection à 85% en 2004, d'être plus explicite ? « En 1999, il n'était pas aisé de parler de réconciliation. Certains disaient que nous avions des ficelles secrètes, d'autres prétendaient que nous avions des comptes à régler avec tel ou tel parti. Vous avez remarqué que dans mes discours je mélangeais réconciliation, tantôt concorde. Je faisais cela car les gens n'avaient pas l'habitude de ces idées », a déclaré M. Bouteflika. « Le tueur et le tué sont en enfer. C'était une guerre civile entre musulmans dont chacun comprenait l'Islam à sa manière. Dieu fera la part des choses entre le terroriste et la victime », a lancé le chef de l'Etat. LA CRISE, RESPONSABILITÉ DE TOUS Dieu et non pas les enquêtes ni les probables comités de probation qui, d'ailleurs, ont fonctionné en toute opacité en 1999-2000. « Le pardon est plus grand que le droit », a déclaré M. Bouteflika. Il a ajouté que lors du conflit, « la gauche était victorieuse, la droite aussi, et au milieu, le peuple et l'Algérie ont été les grands perdants ». Bouteflika a appelé à « laisser l'Histoire aux historiens ». « Que chacun se déclare fautif, ne me dites pas ‘‘j'étais tranquille dans mon coin et on m'a attaqué'', et ne me dites pas ‘‘la République était en danger et je l'ai défendue'' », a poursuivi le président Bouteflika qui a dit refuser de chercher « qui de l'œuf ou de la poule a précédé ». En un mot, personne et tout le monde porte la responsabilité de la crise. Un neveu « Disparu » Une contradiction totale avec la lecture que fait la « charte » de la genèse de la crise qui l'impute aux seuls dirigeants du FIS dissous. Ce partage des responsabilités et cette apparente distribution de l'impunité ne serait-elle pas une préparation à un éventuel projet d'amnistie générale ? Il a évoqué la nécessité de prendre en charge les familles victimes du terrorisme, mais aussi les proches des terroristes. Quant aux disparus, le chef de l'Etat a déclaré qu'« une partie les impute aux terroristes, une autre les impute aux services de sécurité ». Equidistance de la responsabilité pénale qui contredit les affirmations de la « charte » qui disculpent les services de sécurité. « J'ai mon neveu qui est un disparu (cela s'est passé selon lui dans les années 1980), quand j'ai su qu'il ne reviendra jamais, cela m'a rasséréné. A quoi cela m'aurait servi de savoir qui des terroristes ou des services de sécurité l'ont pris. Et ce n'est pas pour cela que je vais vous créer un problème national », a-t-il déclaré. « Seul Dieu fait revivre les morts... Il faut pardonner et payer la dîme », a ajouté le chef de l'Etat à l'adresse des familles des disparus. Le chef de l'Etat a commencé cette partie du discours consacré à la charte par dire : « Heureusement que je ne suis pas dans une campagne électorale. Je ne suis pas venu gagner vos voix. C'est une visite de prospection pour expliquer la réconciliation. » Il a appelé les Algériens à voter massivement tout en précisant : « Vous avez le droit de voter ‘‘non'', ‘‘non'', ‘‘non'' ! »