Neuf mois après son accident de la route et une année après son installation à la tête de l'exécutif de la wilaya, Zoubir Bensebane, wali de Annaba, est relevé de ses fonctions. Les déclarations qu'il a faites à partir du sol français où il séjourne actuellement pour des raisons médicales font voler en éclats la formule « appelé à d'autres fonctions » justifiant sa mise à l'écart à partir du 30 août 2005. Le 2 janvier 2005, victime d'un accident de la route, M. Bensebane échappait à une mort certaine avant qu'il ne soit évacué vers l'hôpital américain de Neuilly à Paris. Dans ses déclarations, M. Bensebane a révélé : « Mon éviction du poste de wali de Annaba que j'occupais est le fait de certaines personnes que j'ai dérangées dans leurs actes de détournement de différents biens du patrimoine public, notamment ceux du foncier et la promotion immobilière. » Dès le début 2005, ces détournements ont fait l'objet de plaintes déposées par la wilaya auprès du tribunal de Annaba. Elles confirmaient la rumeur portant sur la mainmise de certaines personnalités sur des terrains. Le dossier du foncier, auquel le wali a fait référence, contient assez d'informations pour provoquer une crise. L'on y trouve un système et ses affidés financés par la machine des commissions, des cagnottes et des prébendes. « Il n'y a pas d'état-major national pour diriger ces opérations de trafic d'influence et de corruption. Mais, tout de même, ça y ressemble, sinon comment expliquer qu'un projet de plus de 800 logements sociaux inauguré par le Président de la République soit détourné. Je me suis opposé à cet état de choses et à beaucoup d'autres actes préjudiciables au domaine public », dévoile M. Bensebane. Le 30 août 2005, à l'occasion de la cérémonie d'installation de son successeur, assis au côté de Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur, M. Bensebane avait tenu à garder sa casquette de tenue officielle sur la tête. « J'ai tenu à garder ma casquette pour dire à ceux dont j'ai dérangé les intérêts que nul n'est au-dessus de la loi. Qu'ils le veuillent ou pas, elle finira par les rattraper un jour ou l'autre. Je suis toujours tenu par une obligation de réserve et je ne peux pas en dire plus (...). A Annaba, je savais que je gênais pas mal d'intérêts, notamment lorsque j'ai bloqué des décisions aberrantes, fermé des portes aux opportunistes (...). Pas une seule fois, mes prérogatives n'ont été entravées par des contre-ordres de ma tutelle ou tout autre haut responsable », révèle M. Bensebane. Les plaintes déposées au tribunal de Annaba par l'ancien wali pour « détournement de terrains fonciers », « faux et usage de faux », « trafic d'influence et tentative de corruption d'un fonctionnaire » ont eu des suites. Trois anciens membres de l'exécutif de Annaba, dont l'ex-directeur de l'urbanisme et plusieurs promoteurs immobiliers, ont été entendus par les magistrats et ont été placés sous contrôle judiciaire. D'autres fonctionnaires, dont un wali, un secrétaire général et un cadre de la sûreté ont été convoqués pour être entendus par les magistrats. Tous seraient impliqués directement ou indirectement dans la machine de la gestion occulte des biens domaniaux, du foncier, de l'urbanisme et de la construction. Le 3 janvier 2005, après l'accident de la route dont il avait été victime à l'entrée d'Oum El Bouaghi et son évacuation dans un état comateux vers Constantine, la population s'était posé des questions. « Je ne me rappelle que de cette fraction de seconde où j'ai vu le camion foncer sur ma voiture. Je ne peux confirmer ou infirmer que l'accident avait été provoqué, donc que j'ai été victime d'une tentative d'assassinat », a précisé M. Bensebane. Dans les plaintes engagées par la wilaya, il y a le détournement de 120 assiettes de terrain, celui du projet des 800 logements sociaux inaugurés par le président de la République pour être transformé en promotion immobilière au profit d'un promoteur, l'Urban et son portefeuille foncier de 60 ha dont celui du Cap de garde, le dossier du pôle universitaire El Bouni.