Mettre fin à l'abandon de la souveraineté dans l'économie, tel est le maître mot ayant accompagné l'exposé de Mohand Amokrane Cherifi au cours d'une conférence-débat tenue hier au siège du parti FFS à Alger. Coordonnateur de l'Alliance mondiale des villes contre la pauvreté et expert auprès des organisations internationales, le conférencier a, dans son plaidoyer en faveur d'un changement du cours de l'histoire économique et sociale du pays, étayé son propos par des illustrations fort éloquentes. Selon M. Cherifi, l'abandon de la souveraineté dans l'économie s'est fait de manière « insidieuse » et ne date pas d'aujourd'hui. Cela a commencé, dit-il, avec la loi sur les hydrocarbures de 1992 autorisant les compagnies étrangères à devenir copropriétaires des gisements existants moyennant un droit d'entrée, suivie de l'accord de rééchelonnement de la dette passée avec le FMI dans les années 1994-1995 « imposant » à l'Algérie l'ouverture de son économie, dont la libéralisation des importations et les privatisations. Pour M. Cherifi, « le processus d'abandon de la souveraineté économique » a été caractérisé par un transfert de propriété sur les ressources minières, et d'un transfert des instruments de développement (démantèlement successif des droits tarifaires et non tarifaires, cession d'entreprises publiques...) et d'un transfert des décisions de gestion et de développement vers des centres de pouvoir basés à l'étranger (FMI, Banque mondiale et firmes multinationales). L'accord d'association avec l'Union européenne (UE), entré en vigueur le 1er septembre dernier, et l'accord d'adhésion avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en cours de négociation, auront, de l'avis du conférencier, des effets dévastateurs sur l'économie nationale, dont les entreprises nationales ne peuvent faire face à la concurrence étrangère et seront, de ce fait, obligées de fermer l'ensemble de leurs activités productives avec les conséquences « dramatiques » sur l'emploi existant. Pis, l'ancien ministre du Commerce est allé jusqu'à considérer que l'Algérie, « dépossédée de ses ressources et de son appareil de production, sera réduite à un comptoir d'importation de produits étrangers (...), revenant ainsi à son statut antérieur de colonie sans perspective de développement ». Mohand A. Cherifi dit ne pas comprendre qu'un pays qui dispose d'une aisance financière avec des réserves de change avoisinant les 50 milliards de dollars, auxquelles il faut ajouter le stock d'or et le fonds de stabilisation des recettes, contre une dette de l'ordre de 20 milliards de dollars, se permet une cession systématique de son patrimoine à des capitaux étrangers. Pour cet expert international, l'expérience des pays industrialisés et des pays dits émergents a montré que « le développement ne peut s'opérer qu'en s'appuyant sur le génie national, l'apport étranger direct n'étant requis qu'à titre de complément et de façon minoritaire dans les secteurs stratégiques ». Prônant un « patriotisme économique » face à une politique actuelle du gouvernement qui « appauvrirait l'Algérie et les Algériens, si elle devait être poursuivie », selon ses dires, l'alternative face à un constat des plus sévères de la politique économique et sociale du pays est « dans la préservation des ressources et l'indépendance économique de l'Algérie ». Pour ce faire, l'orateur a prôné « l'examen secteur par secteur des différentes activités afin de définir des stratégies de branche et des restructurations d'entreprises, dans le cadre actuel de la mondialisation ». Et d'ajouter : « Toute ouverture de l'économie doit se faire de manière graduelle et ne devenir totale que dans les secteurs concurrentiels. » Sur le plan social, où il s'est dit « peiné » de voir l'Algérie classée à la 103e position dans le classement 2005 du PNUD, Mohand A. Cherifi a relevé « une crise du facteur humain » dans le pays. Le chômage « s'aggrave », dit-il, où un Algérien sur trois est sans emploi, alors que « la moitié de la population vit avec au moins de 2 dollars (200 DA) par jour ». Selon le critère des Nations unies, martèle le conférencier, « 12 millions d'Algériens vivraient en dessous du seuil de pauvreté ». Face à la paupérisation de la population et aux inégalités sociales qui « alimentent la violence », Mohand Amokrane Cherifi plaidera pour la mise œuvre des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) que l'Algérie a ratifiés lors du sommet du monde tenu en 2000 par les Nations unies. Cet agenda pour réduire la pauvreté d'ici à 2015, dans une démarche altermondialiste et sociale, suppose, de l'avis de M. Cherifi, « l'instauration d'un Etat de droit et la mise en place d'institutions démocratiques ».