Expert international et ancien ministre, M. Mohand-Amokrane Cherifi a estimé, jeudi à Alger, qu'avec l'accord d'association entré en vigueur le 1er septembre dernier et dans l'état actuel de l'économie, l'Algérie n'a aucun avantage comparatif dans pratiquement tous les produits hors hydrocarbures, et que face à la concurrence étrangère, elle sera obligée de fermer l'ensemble de ses activités productives avec des conséquences dramatiques sur l'emploi existant. Lors d'une conférence animée au siège du FFS et intitulée “Changer le cours de l'histoire économique et sociale du pays”, l'ancien ministre a expliqué que l'abandon de la souveraineté dans l'économie, entamée en 1992 par la loi sur les hydrocarbures et plus tard par l'accord de rééchelonnement avec le FMI, ou encore récemment avec l'ouverture du capital des banques, a pour effet de marginaliser les opérateurs nationaux et d'ouvrir le terrain à une appropriation par les intérêts étrangers des ressources nationales les plus viables. “L'Algérie, dépossédée de ses ressources et de son appareil de production, sera réduite à un comptoir d'importation de produits étrangers, revenant ainsi à son statut antérieur de colonie sans perspective de développement”, a-t-il dit. Une ouverture d'autant injustifiée que le pays, selon lui, dispose d'une aisance financière. Si pour les autorités le choix est, semble-t-il, justifié par les découverts des entreprises publiques, le besoin d'un transfert de technologie ou encore des pressions étrangères, il révèle, en revanche, aux yeux de Mohand-Amokrane Cherifi, “une méconnaissance de la réalité économique mondiale et des motivations des entreprises multinationales”. “En vérité, le partenariat que ces entreprises étrangères ont à l'esprit est celui du cavalier et du cheval. Eux dessus et nous dessous. C'est le cheval algérien qui supportera le poids de la charge, et c'est le cavalier étranger qui fixera la direction à suivre”, explique-t-il. Selon l'ex-ministre, le problème de l'économie algérienne réside dans l'absence d'une vision globale et d'une politique économique nationale mise en œuvre par les Algériens et pour les Algériens. Dans ce contexte, il ne manque pas de préciser que même les pays développés, à leur tête les Etats-Unis et la France ou encore les pays émergeants, prônent un certain “patriotisme économique” pour défendre leurs secteurs et leurs entreprises stratégiques de toute appropriation étrangère pouvant mettre en danger leur souveraineté nationale. Ainsi, à titre d'exemple, les USA ont refusé au groupe pétrolier chinois Cnooc de mettre la main sur son concurrent américain Unocal. Pour sa part, la France s'est opposée aux intentions de Pepsico de racheter Danone. “Les Occidentaux nous demandent d'appliquer ce qu'il ne respecte pas chez eux”, dit-il. Face à la menace qui pèse sur l'Algérie et pour s'opposer à la politique actuelle du gouvernement qui, dit-il, si elle venait à être poursuivie appauvrirait les Algériens, l'expert au PNUD appelle à la constitution d'un mouvement national économique et social. “Le nationalisme économique doit prévaloir dans la conception et la mise en œuvre de la politique économique et sociale nationale. Cela ne signifie pas repli sur soi, mais tout doit être fait pour préserver les intérêts nationaux et placer les ressources, les instruments de développement économique entre les mains des Algériens.” “Au capitalisme mondialisé de marché, nous devons opposer le socialisme national de marché”, dit-il. Encore faut-il pour cela une justice indépendante et un Etat démocratique, a-t-il conclu. KARIM KEBIR