Le président de la République effectuera aujourd'hui, en effet, sa dixième visite à la capitale de l'est depuis avril 1999. Autant dire une destination de prédilection pour tâter le pouls populaire et une halte décisive à la veille de chaque rendez-vous politique national. Et comme si cette fois ne ressemblait à aucune autre, les autorités locales ont mis le paquet pour réussir l'accueil de l'hôte avec grand renfort de moyens empruntés ici et là. L'itinéraire du cortège est passé sous microscope et tout est traité jusqu'au moindre détail. Désherbage, nettoyage et badigeonnage. Aucun effort n'est ménagé pour offrir une belle carte postale au Président. On plante des arbres aussi et on maquille les façades des immeubles au grand bonheur des riverains qui apprécient ces visites, ne serait-ce que pour profiter du changement de leur décor quotidien. Les Constantinois ont remarqué également la disparition des dizaines de mendiants, de sans-abris et de spécialistes de la manche qui peuplaient les rues de la cité. Les services de la wilaya ont veillé au « ramassage » de cette population pour la mettre dans les centres d'accueil et autres diar errahma. Provisoirement bien sûr, comme tout le reste. Les services de sécurité sont chargés, de leur côté, à ce que l'ambiance du oui soit parfaite. Pour cette raison, les voix discordantes sont étouffées dans l'œuf, à l'image du militant du MDS qui subit un harcèlement policier sans précèdent pour avoir collé des affiches appelant au rejet de la charte à El Khroub. Il n'y a donc aucun signe de perturbation à signaler à la veille de cette visite si ce n'est les banderoles accrochées par les travailleurs de l'unité Enapem située sur l'itinéraire. Tout en prenant la précaution de se déclarer favorables à la charte, ces travailleurs sans salaires depuis neuf mois ont pris le risque d'exposer leur situation dramatique. « Pourquoi devons-nous payer les erreurs des responsables ? » s'interrogent ils. Le stade Benabdelmalek, choisi pour abriter le grand show de la réconciliation et le discours présidentiel, s'est transformé à l'occasion en une véritable ruche où s'affairaient hier des centaines de manutentionnaires et de responsables. Les animateurs de la nébuleuse appelée la « société civile » étaient présents eux aussi pour fournir leur soutien actif, cachant mal les dissensions qui les minent depuis toujours et qui remontent à la surface à l'occasion de chaque visite présidentielle pour l'« historique » question de leadership. Quant aux citoyens qu'on ne peut acheter pour les mettre dans les bus destinés à remplir le stade, ils sont pour la plupart rassemblés dans les cafés à s'aérer l'esprit des mauvais coups de la rentrée scolaire, discutant les dernières nouvelles de leurs clubs de foot préférés. A J-7 du référendum, Constantine s'est transformée par magie pour accueillir le président de la République pour un autre discours.