Les Algériens ne seraient pas des mordus de la lecture. Possible ! La conversion de beaucoup de librairies en fast-foods donne d'ailleurs beaucoup de crédit à cette assertion. Si les libraires ont préféré troquer leurs rayonnages contre des plaques chauffantes, il faudrait peut-être se résoudre à admettre que le livre n'a réellement plus la cote dans notre pays. Il conviendrait également de se rendre à l'évidence que les Algériens veulent faire autre chose que de consacrer leurs soirées ou leurs week-ends à suivre les péripéties d'un personnage de fiction. La répulsion exprimée à l'égard de la chose littéraire pourrait, en outre, s'expliquer par la dégradation vertigineuse du pouvoir d'achat ces dernières années et la cherté du livre. Mais faute d'études fiables et de sondages capables d'expliquer, autrement que par des suppositions et des jugements de valeur, la raison du divorce entre la société et le livre, le recul connu par le livre apparaît tel un virus inconnu. Un mal que personne ne cherche à comprendre et à vraiment contrer. Car si l'on peut supposer qu'il n'est pas aisé de savoir ce qui rend le livre si laid aux yeux des Algériens, il y a lieu de regretter le peu d'efforts investis pour persuader les gens de se remettre à lire. Le propos, ici, ne consiste pas à revenir sur les bienfaits prouvés de la lecture, mais de faire remarquer, simplement, la rareté des espaces de débats réservés à la promotion du livre et de la lecture. Cela y compris dans la presse privée. Aussi, s'agit-il, surtout, de rappeler que l'achat d'un livre est un réflexe qui s'inculque et que la lecture est une habitude qui s'apprend et s'entretient... si possible à moindre frais. D'où d'ailleurs l'invention du livre de poche. Pour s'en convaincre, il suffit de voir, par exemple, le nombre incalculable d'émissions télévisées ou radiophoniques consacrées aux nouvelles œuvres à chaque rentrée littéraire dans des pays tels que la France ou l'Allemagne et l'industrie développée autour du livre. Ce n'est pas tout. Pour pérenniser la « machine », une multitude de prix littéraires a été lancée par ces pays aux fins d'encourager les écrivains à devenir prolifiques. Le résultat est su de tous : la France, cette année, a connu une rentrée littéraire foisonnante avec 663 sorties de romans et a vu des best-sellers se vendre à des millions d'exemplaires. Et parmi les succès littéraires enregistrés, figure d'ailleurs en bonne place L'attentat, le nouveau roman de Yasmina Khadra. Le fait de convoquer l'expérience des autres conduit assurément à juger moins sévèrement l'Algérien. En revanche, il est bien difficile d'éprouver la même indulgence à l'égard des gens chargés de penser la politique du livre.