C'est parti pour le référendum. Les Algériens, installés en France, ont commencé à voter ce 24 septembre et ce, jusqu'au 29. Au consulat d'Algérie, dans le 19e arrondissement de Paris, le flux (quelques dizaines de personnes), sans être important, est continu. Dans la grande pièce aménagée en bureau de vote, il y a plus de membres du consulat que de votants. Une équipe de télévision du Moyen-Orient cherche désespérément quelqu'un qui a voté « non ». Pas de chance. Tous les votants sont « pour la paix ». Les journalistes sont étonnés de tant d'unanimité. Les 761 753 Algériens de France inscrits sur les listes électorales sont-ils pour le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale, censé mettre un terme à la crise et aux violences politiques qui ont fait depuis 1991 plus de 200 000 morts et des milliers de disparus ? Dans les locaux du consulat, la question ne se pose pas. Un écran géant diffuse les programmes de Canal Algérie, sœur jumelle de l'ENTV... dans tous ses travers et surtout son ostracisme. Les deux animatrices multiplient de zèle pour appeler à voter oui. Le non est banni. L'une des animatrices, dans un français trébuchant et guindé, lance à une députée FLN : « Madame Fourar, vous travaillez beaucoup pour l'Algérie... » Très surprise par tant de soumission et de servilité, la députée bredouille : « Effectivement, beaucoup. » Puis, sûre d'elle, la députée, en fixant la caméra reprend le credo officiel : « Celui qui aime l'Algérie doit voter oui. » Toujours aussi enthousiaste et plus que jamais au garde-à-vous, l'animatrice répond d'une voix mielleuse : « Oui, nous avons besoin de la stabilité pour les investisseurs étrangers des quatre coins du monde. » La députée n'en demandait pas tant. Dans l'enceinte du consulat, les regards sont narquois. « L'Algérie n'a pas changé, elle ne changera jamais. C'est toujours les mêmes au pouvoir. La télévision algérienne, c'est l'équivalent de la Pravda, le miroir du pouvoir. Je plains les journalistes », se désole Mohand, qui a attendu d'être hors du consulat pour s'exprimer. « J'ai voté non », tient-il à préciser. Retour au bureau de vote. Sur l'écran géant, des reportages vantent les bénéfices du oui. Les appels téléphoniques se succèdent. Ce n'est plus pour vanter le oui mais pour souligner la grandeur de Abdelaziz Bouteflika. Près d'une dizaine de personnes attendent de voter. A la question de savoir si les Algériens se sont déplacés en masse samedi, une assesseur affirme que le nombre n'est pas encore conséquent à cause de la pluie et du marché mais qu'ils ont « bien voté ». Mouloud confirme : « J'ai voté pour ce projet sans le lire. Qui peut refuser la paix ? Je sais que nos voix n'ont aucune importance mais si cela peut contribuer à ramener la paix, pourquoi pas. » En fin d'après-midi, le collectif des familles de disparus organise une nuit contre l'oubli à la place de la République. Une manifestation qui ne passera pas, bien sûr, les filtres de la censure de Canal Algérie et de sa sœur siamoise.