La paix et la réconciliation nationale ne seront réalisables que si cette page noire de l'histoire récente de l'Algérie est lue avant d'être définitivement tournée. » Telle est la conclusion choisie par la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) pour terminer son analyse de la charte pour la paix et la réconciliation nationale proposée à référendum par le Président Bouteflika. Cette doléance a été exprimée à mainte reprise par les familles de victimes du terrorisme qui se trouvent aujourd'hui réprimées pour avoir refusé l'impunité sans connaître la vérité. La FIDH joint ainsi sa voix à celles de ces familles et à toutes les associations et partis qui s'opposent actuellement au projet présidentiel. Dans un message adressé aux membres de la LADDH, qui ont tenu leur deuxième congrès, le week-end dernier à Boumerdès, la FIDH critique vivement le contenu de la charte du chef de l'Etat. Elle réclame la vérité, la justice et la réparation des préjudices subis par toutes les victimes de la tragédie nationale. Elle refuse également l'impunité aux responsables de cette tragédie. « Le texte de la charte ne comporte aucune obligation de vérité et de justice : le préjudice serait irréparable pour les familles des disparus dans la mesure où le projet de charte conduit à les priver définitivement de leur droit à la vérité et à la réparation, les condamnant ainsi à vivre avec cette nécessité anxieuse et répétitive de connaître la vérité », a noté cette ONG. Selon cette dernière, les autorités n'ont rien fait pour apporter un éclaircissement quant au sort des 200 000 victimes, dont des milliers de disparus enlevés et exécutés sommairement. Rappelant des situations similaires dans le monde, la FIDH réclame une enquête pour faire toute la lumière sur la question des disparus. « Le droit international fait obligation aux Etats d'enquêter sur les violations des droits de l'homme. La recherche de la vérité la plus complète est donc une obligation absolue et un droit inaliénable des victimes et de la société en général. D'origine judiciaire ou administrative, le droit à la vérité a une portée individuelle et collective », a-t-elle enchaîné. En outre, indique l'organisation, les résultats de l'enquête devront être communiqués aux familles au fur et à mesure. « Elles ont le droit de savoir qui, comment, où et pourquoi leurs fils ont été kidnappés ou exécutés. C'est un droit inaliénable », précise-t-elle. Reprenant des extraits de la charte concernant l'extinction des poursuites judiciaires à l'encontre des individus recherchés, la FIDH estime que cette mesure est insoutenable. « Elle est parfaitement incompatible avec le droit des victimes à un recours effectif devant des juridictions indépendantes, d'autant plus fondamental lorsqu'il s'agit de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité », a-t-elle souligné. Le droit pénal international, note la FIDH, proscrit les lois d'amnistie comme moyen d'assurer l'impunité des crimes internationaux. L'ONG s'est montrée sceptique quant à la prise en charge des droits des victimes, d'autant qu'aucune disposition portant sur les modalités de cette prise en charge et la réparation au profit de cette frange de la société n'est prescrit dans la charte. L'interdiction de toute opposition à la charte et les menaces proférées à l'encontre des opposants sont, selon le document de la FIDH, des atteintes à la liberté d'opinion et au droit à l'expression. Enfin, la FIDH assimile cette charte à la loi votée le 23 février 2005 par le parlement français. La similitude réside dans cette volonté des autorités de dicter leur vérité et leur histoire.