La délégation de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), dirigée par son président Sidiki Kaba, a quitté hier Alger après une visite de six jours. « La délégation reviendra dans quelque temps pour une plus longue mission », a indiqué une source à la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), affiliée à la FIDH. Les membres de la délégation de l'ONG, dont le siège est à Paris, ont pris langue avec notamment Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH, officiel) et du comité ad hoc chargé du dossier des disparus. La délégation a également rencontré les animateurs de la LADDH qui a exprimé la convergence des points de vue des deux organisations. La FIDH et la LADDH rappellent l'impérieuse nécessité de faire la vérité sur les faits qui se sont produits ces 15 dernières années en Algérie, d'en déterminer les responsables, de rendre justice et d'offrir aux victimes les réparations auxquelles elles peuvent légitimement prétendre », lit-on dans le communiqué cosigné par les deux organisations, rendu public hier. La ligue de Ali Yahia Abdenour a exprimé à la FIDH ses « appréhensions » quant au projet d'amnistie générale évoqué par le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika. Appréhensions de « voir les notions généreuses de pardon, de réconciliation et de recherche de la paix sociale détournées vers des objectifs inavoués qui vont consister à consacrer l'impunité de crimes contre l'humanité à travers une opération plébiscitaire ». Le président Bouteflika a re-annoncé devant les hauts gradés de l'armée, le 3 juillet, qu'il soumettra son projet de « réconciliation nationale » à un référendum. « Sans préjuger de la teneur du texte que les initiateurs envisagent de soumettre à référendum, les deux parties (LADDH et FIDH) s'accordent pour qualifier toute procédure qui aurait pour finalité de prescrire les crimes contre l'humanité de contraire au droit international », ont indiqué la ligue et la fédération. Dans leur déclaration d'avril 2005, concernant le projet d'amnistie générale, plusieurs ONG, dont la FIDH, ont rappelé que la voie référendaire ne saurait permettre au gouvernement algérien de « se soustraire à ses obligations internationales en adoptant à l'échelon national des lois contraires à ces obligations, que ces lois résultent d'un vote au Parlement ou d'un référendum. Le respect et la protection des droits fondamentaux des personnes ne peuvent faire l'objet d'un vote à la majorité ». « La FIDH et la LADDH conviennent de conjuguer leurs efforts pour faire respecter ces principes (vérité et justice) devant toutes les juridictions nationales et internationales », déclarent les deux organisations. Elles ont également relevé « avec inquiétude » les poursuites judiciaires contre les journalistes et les titres de la presse algérienne et ont appelé d'un côté les pouvoirs publics « à respecter et à faire respecter la liberté de la presse » et d'un autre côté le corps judiciaire « à ne pas céder aux pressions de l'Exécutif ». Les deux ONG ont relevé que l'ordonnance modifiant le code de la famille « loin de redresser les entorses et les violations, contenues dans le précédent code, du principe d'égalité citoyenne entre l'homme et la femme n'a fait que les reconduire, se bornant à de simples aménagements caritatifs », et rappelé que l'Algérie « doit se conformer rigoureusement aux conventions internationales, en l'occurrence la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et remanier le droit de la famille à la lumière de ces conventions ». La FIDH et la LADDH ont enfin appelé les pouvoirs publics à lever l'état d'urgence en vigueur depuis treize ans.