Dans ses conclusions préliminaires, la mission de contact de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH, basée à Paris), en visite à Alger du 5 au 10 juillet derniers après des années d'interdiction d'accès au territoire algérien, a considéré que les questions de droits de l'homme « demeurent des sujets de préoccupation » et ce « en dépit de quelques avancées ». Ces questions s'articulent autour du respect de l'Etat de droit, les disparus, la situation des femmes et la liberté de la presse. « Le statut de la magistrature, bien que réformé, n'accorde pas les garanties nécessaires à l'indépendance de ce corps. Le renforcement du devoir de réserve et l'enquête des différents services de sécurité dont font l'objet les plus hauts magistrats, avant leur avancement notamment, constituent des entraves à l'indépendance de la justice », lit-on dans le texte des conclusions préliminaires rendu public le 15 juillet dernier. La FIDH demande à Alger la modification du statut de la magistrature et à en assurer l'indépendance en s'inspirant des principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature adoptés par des Nations unies en 1985. La fédération souligne, par ailleurs, que « l'habilitation d'officier de police judiciaire dont bénéficient certains membres des forces armées (notamment du DRS) présente des risques d'autant plus importants pour les libertés individuelles que ces membres des forces de l'ordre dépendent hiérarchiquement du ministère de la Défense et relèvent de juridictions militaires dont la persistance n'est en rien justifiée ». La FIDH est préoccupée par le fonctionnement de l'administration pénitentiaire « qui n'est soumis à aucun contrôle extérieur et indépendant ». La FIDH s'inquiète aussi « du recours fréquent à la violence et à la torture par les membres des forces de l'ordre, pratiques qui ne font que très rarement l'objet de poursuites ». La FIDH exprime son inquiétude face au maintien de l'état d'urgence depuis 1992, « au nom duquel un certain nombre de libertés et droits fondamentaux sont violés ». La fédération a demandé sa levée et la conformité au point 4 de la résolution du Parlement européen sur la conclusion d'un accord d'association avec l'Algérie qui « considère que la levée de l'état d'urgence contribuera au développement de l'Etat de droit donc, au respect des conditions préalables prévues par l'art. 2 de l'accord ». La FIDH qualifie de « graves menaces pour la liberté de la presse » les nombreuses poursuites engagées au cours des derniers mois à l'encontre de journalistes et d'organes de presse. La mission de la fédération demande aux autorités algériennes de « modifier la législation sur la presse de manière à interdire les peines de prison et les amendes démesurées ». Mais aussi,« les autorités algériennes doivent empêcher les procédures parallèles et détournées destinées à mettre en cause des journalistes ». « La persistance des discriminations à l'égard des femmes par le maintien, notamment, du tutorat, de la procédure de répudiation et de la reconnaissance de la polygamie constitue une source supplémentaire de préoccupations », indique la mission de la FIDH. La fédération appelle les pouvoirs publics algériens à modifier le code de la famille afin de le rendre compatible avec la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Revenant sur la question des disparitions forcées, la FIDH n'a « pu que constater que la question des disparitions, qu'il s'agisse des disparitions imputées aux membres des forces de l'ordre, à leurs supplétifs ou aux groupes armés rebelles, continue de ne pas être traitée ». La FIDH regrette que le rapport rédigé par la Commission nationale consultative de protection et de promotion des droits de l'homme (CNCPPDH) n'ait pas été rendu public depuis sa remise au chef de l'Etat fin mars 2005. « Les grandes lignes de ses conclusions, telles que rapportées par la presse, tendent à envisager une indemnisation des victimes et une reconnaissance de la responsabilité de l'Etat. En revanche, la recherche de la vérité des faits comme des responsabilités ne semble pas avoir été envisagée. Les récentes déclarations publiques du président de la République laissent à penser qu'une loi d'amnistie générale serait soumise, d'ici à quelques mois, à référendum », souligne la FIDH. L'ONG rappelle que « la vérité des faits est un préalable nécessaire. Les victimes, mais aussi toute la société algérienne, ont un droit imprescriptible à connaître la vérité de chaque cas mais aussi des processus politiques qui ont amené à ces situations ». Selon la FIDH, c'est aux Algériens, surtout aux victimes, qu'appartient « de définir les conditions des réparations matérielles et morales qui doivent être allouées, mais aussi le sort qu'il entend réserver aux responsables de ces actes ».