La coalition au pouvoir s'acharne avec une campagne sans précédent à vouloir nous imposer son projet de « charte de la réconciliation et de la paix ». Elle bâillonne toute voix discordante et monopolise tous les moyens de l'Etat pour mener un bourrage de crâne digne des pires régimes totalitaires. Pourquoi de tels procédés ? Tout se passe comme si la réconciliation nationale et la paix avaient tellement d'adversaires que le non risquerait de l'emporter, ou alors que le degré de conscience du peuple est tellement rudimentaire qu'il risque de se prononcer contre ses intérêts. Non, on veut imposer un fait accompli. Vous n'avez pas d'autre choix que de voter oui, sinon vous n'êtes pas des patriotes. Eh bien messieurs, je suis patriote pour la réconciliation nationale et la paix dans mon pays, mais je m'oppose de toutes mes forces à ce projet de texte, car malheureusement son objectif n'est pas celui qu'il proclame, mais un autre, machiavélique : l'oubli et la trahison de la mémoire de celles et de ceux à qui les islamistes ont donné la mort pendant près de 15 ans, l'oubli de ces massacres à l'encontre de civils, de ces attentats à l'explosif dans les lieux publics y compris les écoles, de ces assassinats d'hommes de savoir, de journalistes, de magistrats, de policiers, de gendarmes et de militaires, de ces 500 000 enfants traumatisés, de ces 12 000 femmes enlevées, soumises à des viols collectifs après extermination de leur famille, sans compter les pertes matérielles d'infrastructures et d'outils de production estimés officiellement à plus 30 milliards de dollars, les immenses manques à gagner et retard accumulés par le pays pendant toutes ces années. Ces terroristes et leurs commanditaires ont-ils été tous jugés, reconnus coupables et ont-ils imploré le pardon ? Non ! Alors, nous ne sommes pas dans une logique de pardon, mais dans une logique d'impunité porteuse celle-là de rancune, de haine, de discorde et de conflits futurs. Quant aux personnes victimes d'enlèvement par des factions obscures de milices officielles ou par des hordes d'islamistes, comment les familles de tous ces disparus peuvent-elles faire leur deuil, tant que toute la lumière n'est pas faite et justice rendue à l'encontre des coupables ? A la soif de vérité et de justice, ce projet de charte répond par de la poudre d'amnésie et d'anesthésie. Le pardon que le pouvoir veut arracher n'a d'ailleurs pas été demandé par ces criminels qui manifestent au contraire de l'arrogance et pas le moindre repentir lorsqu'ils ont bénéficié de la loi sur la rahma. Et que dire des commanditaires ? Qui sont-ils ? Où sont-ils ? Certains d'entre eux ou de leurs alliés occupent aujourd'hui l'écran de télé pour animer les meetings en faveur de cette charte. Et pourtant, le pardon sera décrété par en haut, alors qu'il ne peut être accordé ou refusé par les cœurs à celui qui l'implore, dans le cadre de démarches privées et personnelles que l'Etat encadre et favorise. Par référendum, il devient une imposture qui accentue la rancune de celles et ceux à qui on usurpe ce triste privilège en exploitant la lassitude de la masse, la cupidité de vraies familles de victimes. Le combat est trop inégal aujourd'hui pour que les forces de progrès imposent ne serait-ce qu'un débat sur les voies et les moyens de la réconciliation et de la paix. Donc, le projet présidentiel sera sans aucun doute plébiscité. Mais il sera loin d'absoudre ni de faire oublier les crimes contre l'humanité qui ont été commis et qui font partie désormais de l'histoire d'Algérie ; cette même histoire d'Algérie qui retiendra ceux qui ont initié ce projet scélérat et mis en route le rouleau compresseur qui l'a imposé. Après le 29 septembre, nous continuerons à rêver de paix d'abord avec nos consciences où continuerons de résonner les gémissements et les cris plaintifs des enfants, des femmes et des personnes âgées surpris dans la nuit, le ventre creux, dans leurs hameaux, suppliant leurs bourreaux de ne pas les égorger. La paix d'abord avec nos consciences où restent gravés à jamais les assassinats de l'élite de ce pays, y compris l'exécution en directe du président Mohamed Boudiaf. Après le 29 septembre, comment khalti Aïcha pourrait-elle oublier le visage de ces montres qui ont égorgé devant ses yeux ses quatre enfants, l'un après l'autre, en l'épargnant pour prolonger son cauchemar. Après le 29 septembre, comment Hammi Salah, cet authentique ancien moudjahid, qui a combattu le colonialisme pour que l'Algérie vive en paix, pourra-t-il pardonner aux quinze terroristes qui ont violé et égorgé en sa présence ses trois filles ? Après le 29 septembre, comment ces 12 000 femmes violées par les terroristes vont-elles refouler leur douleur et vivre l'impunité ? Après le 29 septembre, comment la famille de la toute frêle Nour El Houda, âgée à peine de 11 ans, enlevée de son école à Larbaâ, violée et égorgée, pourra-t-elle se réconcilier avec le chef terroriste commanditaire de ce crime, actuellement en liberté et bénéficiant d'un statut de héros national ? Après le 29 septembre, comment se réconcilier et vivre en paix avec ces égorgeurs penchés sur des bébés qui souriaient à leurs bourreaux avant d'être décapités ? Comment vivre en paix avec ces éventreurs de femmes enceintes, du ventre desquelles ils arrachaient et découpaient le fœtus ? Que le 29 septembre chacun se détermine en son âme et conscience, aille voter oui, non, s'abstienne ou boycotte. Ce jour-là, j'irai me recueillir sur la tombe de mon épouse, lâchement assassinée par les terroristes islamistes. Vive l'Algérie !!!