Elle se veut un rouleau compresseur. Faute de cohérence, elle n'est qu'un vacarme dissonant et coûteux. Mais l'intention est manifeste : préparer les opinions à un plébiscite brejnévien de la charte. L'arrière-pensée totalitaire est évidente : votez, même non, mais votez... Le reste on s'en occupe. De toute manière ce sera oui ; voyez tout ce monde qui fait campagne pour le oui ! Voici résumé l'esprit d'une campagne qui ne craint que le démenti d'une abstention trop flagrante. Le taux de oui étant prévisible, il ne reste qu'à assurer la crédibilité du taux de participation. S'explique alors l'irritation du Président qui trouve que la campagne contre la charte est “une entreprise dangereuse”. Pourtant, l'opposition au projet est du fait du verrouillage politique et de l'intimidation judiciaire qui, continuellement, pèse sur la presse réduite à sa plus simple expression. S'explique aussi l'usage de procédés propagandistes dignes des démocraties populaires et des pouvoirs “tuteurs” résiduels. Comme en 1999, quand il s'était agi de référendum pour la concorde civile, la rentrée scolaire a été détournée par le pouvoir pour servir sa préoccupation politique du moment. En dédiant le cours inaugural à “la charte pour la paix et la réconciliation nationale”, le pouvoir a adopté la démarche qui justement fait de l'islamisme une doctrine pour les enfants d'une nation : la “surpolitisation” de l'école que, comme par ironie, le Président dénonçait le jour même à Blida ! Devant des élèves bardés de tee-shirts frappés d'un slogan favorable au oui ! Avec les imams fonctionnaires qui, dans leurs prêches, ne se font pas prier pour emboîter le pas politique au régime qui les paye, voici réalisé, par la paix, l'Etat total que le FIS n'a pu réaliser par la démagogie, la manipulation, l'intimidation et... la guerre. Le régime justifie l'interdiction du FIS par des pratiques totalitaires qu'il s'est à son tour appropriées. Reprenant l'argument démocratique sans être démocratique, il s'assure le monopole des abus. Il veut le statut démocratique sans être démocrate, récupérer le discours et la base islamistes sans la direction du FIS. À l'évidence, le pouvoir ne conçoit le référendum que comme une formalité qui lui servira à justifier des ordonnances qu'il compte nous infliger à partir du 29 septembre. C'est tellement une formalité que ces ukases sont déjà prêts, comme des espèces de faits du prince prélégitimés. On peut même prédire que, de la même manière que le référendum pour la concorde civile a produit ses déceptions amoureuses, beaucoup de chantres de la charte d'aujourd'hui compteront parmi les pleureuses de demain ! Ils se plaindront de ne pas avoir voté pour que le pouvoir aille si loin. Mais pourquoi nous fait-on voter des décisions rédigées mais qu'on nous cache si ce n'est pour “aller plus loin” ? Comme au poker, on paie pour voir. Et comme au poker, quand on a payé, c'est trop tard. Visiblement, le meilleur est à venir. Le meilleur du pire. M. H.