Des dizaines de femmes, d'orphelins et quelques hommes arrivaient par groupes au cimetière des Martyrs, sis sur la route de Oued El Alleug ce jeudi 29 septembre, jour du référendum. « Nous avons décidé de faire de cette journée celle du deuil et cela sera ainsi chaque année ! », martèlera la responsable de l'association Djazaïrouna. Plusieurs de ces femmes avaient enterré symboliquement leur carte d'électrice à l'intérieur du cimetière et l'une d'elles enfouira le livret contenant la charte pour la réconciliation nationale : « Elle ne nous concerne pas et nous n'avons donc pas à la garder », dira-t-elle devant des journalistes étrangers venus couvrir l'événement. Venue de Chebli, une mère exhibait le portrait de sa fille assassinée en janvier 1995 : « Je l'ai trouvée ligotée des pieds et des mains et, comble de l'horreur, sans tête. Cette dernière me sera rapportée une semaine plus tard de Baba Ali, où elle avait été jetée. Ma fille Naïma avait 24 ans et m'a laissé un enfant que j'élève seule. » A la question de savoir pourquoi elle a été tuée, la mère répondra en larmes : « Son frère était recherché par les terroristes parce qu'il avait été incorporé pour le service national. Comment pardonner sans juger ? » Elle a planté un figuier qui, dix ans après, donne des fruits et de l'ombre à la tombe de la jeune femme et... à celle d'un émir tué par les forces de sécurité et enterré juste dans le voisinage dans ce cimetière des Martyrs qui, comble de l'ironie, avait sa plaque de signalisation posée à terre. Le président de l'ONVTAD, présent également à la cérémonie de recueillement, affirmait à haute voix que ce n'était « pas un référendum pour la réconciliation mais un agrément pour le crime organisé ». Invité à s'expliquer davantage, M. Brahimi ne manquera pas de mots acerbes : « Nous sommes venus dire m... à la réconciliation, témoigner que nous sommes vivants et que nous représentons nos morts ! Nous ne craignons personne et nos enfants nous remplaceront pour aller toujours à l'encontre de ces gouvernants et des terroristes, dont certains sont devenus des milliardaires. » Il précisera qu'avec la pension que perçoivent certaines mères et épouses : « on ne peut même pas satisfaire les besoins d'un chien pendant dix jours. » La responsable de l'association Djazaïrouna signalera que les familles de victimes issues des communes de Bouinan, Bougara, Meftah et Larbaâ avaient été menacées par les autorités locales de leur commune. A l'écart, une veuve de moudjahid subit le martyre depuis la disparition de son mari, enlevé en 1993. M. Allal n'est plus revenu et un total de plus de douze années d'absence ne permet pas à la bonne femme de recouvrer ses droits à la reconnaissance du statut de disparu pour son mari. Elle aurait ainsi bénéficié d'une pension ou d'une indemnité lui permettant de ne pas survivre en étant accrochée à la bienfaisance des musulmans algériens, elle qui s'est convertie à l'Islam depuis longtemps. Par ailleurs, 189 centres, 970 bureaux de vote pour contenir le chiffre maximal de 564 546 votants à Blida. A l'arrivée, 82,42 % de participants et 99 234 abstentions. Un tour, à travers des bureaux de vote dans l'après-midi, donnait un taux de participation avoisinant les 30%. Ce chiffre était presque le même à cinq minutes de la fermeture des bureaux. L'assistance au dépouillement dans un bureau - même s'il ne peut refléter la réalité - donnait 167 bulletins pour 613 inscrits, soit 27,24%. Un taux loin du 82,42% pour l'ensemble de la wilaya. La volonté d'informer sur l'ambiance du référendum nous mènera tout naturellement vers le siège central de la commune de Blida. Un commis de l'Etat fermera aussitôt la porte d'accès en signalant notre arrivée aux forces de l'ordre, alors que la simple interdiction affichée suffisait pour le respect de l'ordre établi.