Le spectre de l'abstention a plané durant la matinée du jeudi sur la majorité des bureaux de vote à Constantine. Quoique le mouvement des électeurs constantinois durant les matinées des rendez-vous électoraux a toujours été lourd à s'exprimer, le taux de participation enregistré à 11h, soit 6,42%, donnait déjà une idée sur l'ampleur de la mobilisation. Une tournée à travers les bureaux de vote ne laissait guère apparaître l'engouement tant attendu. Au centre-ville, grouillant de monde, des bureaux sont au chômage. Même constat dans les cités de la périphérie. Paradoxalement, c'est dans les quartiers défavorisés ayant abrité les fiefs des islamistes durant les années 1990 que le taux de participation est supérieur à la moyenne de la wilaya. Les images des personnes du troisième âge escaladant difficilement les escaliers reviennent toujours. La plupart, analphabètes et dirigées, ne cherchent qu'à mettre la couleur bleue dans l'enveloppe. Contre toute attente, le bouleversement de la situation interviendra pendant la période de la journée où la ville est quasiment vide. Les chiffres tombent à 15h, le taux de participation monte à 43,52 % pour la wilaya et 45 % pour la ville de Constantine dépassant même d'autres communes réputées pour être très compétitives dans les rendez-vous de ce genre. Il faudra remonter aux élections de 1995 pour connaître un pareil record. Les choses vont crescendo comme si la population veut rattraper un train en marche. Quelque chose qui rappelle le bon vieux temps du parti unique pour les plus avertis. A la clôture de l'opération, la wilaya de Constantine aura atteint un taux de participation de 73,50 %. Un chiffre inespéré même pour les plus optimistes mais qui sera quand même rectifié le lendemain par le ministre de l'Intérieur donnant un taux de 74,10 % . Hormis la commune de Zighoud Youcef qui a frôlé un taux de 47 %, toutes les communes ont dépassé le fameux seuil des 65 % alors que d'autres se sont même permises de réaliser des performances mirobolantes. Une première étape est déjà franchie en attendant les résultats des urnes qui seront officialisés par le Conseil constitutionnel. A Constantine, où le nombre des bulletins bleus recensés a atteint le taux de 93,23 % des suffrages exprimés, le plébiscite de la démarche présidentielle n'a été finalement qu'une simple formalité. Cependant dans un centre de vote à Hamma Bouziane (10 km au nord de Constantine), les employés chargés de l'encadrement de l'opération ont dû signer un PV portant de fausses informations. Selon H. K. l'un d'eux, le nombre validé des votants est égal au double du nombre réel enregistré au comptage des bulletins. Ce témoignage n'est en vérité qu'un échantillon parmi tant d'autres qui révèle l'ampleur du bourrage systématique des urnes qui a caractérisé le référendum sur la paix et la concorde nationale à Constantine. Contrairement aux chiffres brejneviens livrés par les autorités locales et centrales, les bureaux de vote n'ont pas connu la bousculade à Constantine pour forcer les responsables à recourir à la fraude. Il est vrai que l'opération devait se dérouler en vase clos entre partisans du oui et en l'absence de toute entité de contrôle. « Les consignes venaient d'en haut », expliquent des encadreurs qui nous ont contactés. A El Khroub, l'une des plus grandes communes d'Algérie, des élus FLN à l'assemblée communale faisaient circuler cette instruction alors que des femmes associées à l'opération ont été sommées de quitter les bureaux avant le début du comptage. Certains encadreurs auraient, par ailleurs, refusé de signer les faux PV. A ce moment, Mohamed Daoui, militant du MDS interpellé par la police alors qu'il collait des affiches appelant au rejet de la charte de Bouteflika, a reçu une convocation pour comparution devant le tribunal pour « violation de la réglementation administrative ». Nouri Nesrouche, S. A.