De nombreux cas de manquement à la réglementation en matière d'octroi d'assiettes foncières dans le cadre de l'investissement et de l'autoconstruction ont été cités par l'IGF dans leur rapport sur la gestion du foncier à Alger. Ces exemples montrent à quel point l'administration a été complaisante avec certains hauts responsables de l'Etat, des hommes d'affaires et de grands commerçants ayant pignon sur rue. En matière de concessions accordées dans le cadre de l'investissement, nous commencerons par le cas de Djamel Ladjouzi qui a bénéficié d'un terrain de 255 m2 à Ben Aknoun pour construire... une habitation et une galerie d'art, qui ne constituent pas un investissement au sens économique du terme. De plus, la parcelle a été octroyée par la direction des domaines, alors que la décision de la wilaya (13 juin 1995) n'a autorisé qu'une superficie de 156 m2. La société civile immobilière Hassani a été quant à elle affectataire d'une concession de 3 060 m2 à Ben Aknoun, pour une promotion immobilière et ce en l'absence du plan cadastral. « Certaines pièces produites dans le dossier portent apparemment sur le même objet mais désignent des sites différents. En effet, l'avis favorable accordé par les domaines le 14 décembre 1994 concernerait une concession envisagée d'un terrain de 880 m2 situé à la rue Olof Palme au Paradou, à Hydra. » Mohamed Derdoum et Karim Baghdad ont été affectataires d'une concession de 438 m2 à Dély Ibrahim pour la construction d'une boulangerie industrielle. Pourtant, dans leur dossier, il existe deux procès-verbaux de prise de possession du terrain. L'un signé en novembre 1995 et l'autre en juin 1996. « La prise de possession effective a eu lieu, en fait, en novembre 1995, mais comme il s'agit du fils du directeur des domaines de la wilaya d'Alger, un second PV a été établi en juin 1996 afin de permettre au concessionnaire d'économiser une annuité de recouvrement. Il est anormal que le responsable utilise sa qualité pour faire reporter d'une année le paiement de la concession octroyée à son fils. » Mieux, l'IGF a relevé « une sous-évaluation manifeste » de la concession effectuée au prix de 1000 DA/m2, alors qu'à la même date sur les sites situés dans la même zone les prix pratiqués par les mêmes services ont avoisiné les 2500 DA/m2. « On notera enfin que la demande formulée par les concessionnaires porte sur un terrain de 200 m2, alors que le Calpi leur a octroyé une superficie de 438 m2. » Djamel Zergui a été attributaire d'une concession de 580 m2 signée par la wilaya pour la construction d'une boulangerie industrielle à Bologhine, pourtant la direction des domaines lui a octroyé une superficie de 880 m2, sans justifier la superficie supplémentaire de 300 m2. Mohamed Khelifati a bénéficié d'une cession directe de 3086 m2 à El Harrach pour la réalisation d'« une unité de fabrication d'éléments de structures de bâtiment en béton » sans que le Calpi n'ait eu à se prononcer sur son dossier. Ali Djouider a été attributaire d'une concession de 4 013 m2 à Bourouba pour la réalisation d'un centre commercial et d'un centre de santé. L'arrêté d'attribution a été qualifié « d'hybride » par l'IGF car, a-t-elle expliqué, il porte l'en-tête de la direction des domaines, une copie de la signature du SG de la wilaya et a été référencé par la Drag (direction de la réglementation et des affaires générales). Revenant sur la période de gestion du Corf, ayant débuté le 7 janvier 1997, l'IGF a relevé de nombreux cas « de manquement » à la réglementation en dépit du fait que l'une des missions de cet organe, rappelée par sa troisième résolution, est de surseoir à toute délivrance d'acte de propriété et de toute autorisation de lotir et/ou de construire. « Or dès le 5 février 1997, le Corf s'est prononcé sur la libération d'un certains nombres de coopératives immobilières (...). Du 7 janvier 1997 au 30 juin 1998, il a procédé aux libérations de terrains en vertu de documents appelés ‘‘décisions'', signées par délégation et pour le ministre gouverneur par le président Abdelhamid Gas. Ces décisions ont été régularisées par le SG de la wilaya en vertu d'arrêtés collectifs... ». Tounsi, Lamari et Sidi Saïd Ainsi dans le cadre de la promotion d'investissement, le Corf a attribué 2683 m2 à Mohammadia au profit de Rabah Derradj pour un projet de... dépôt de matériaux de construction avec comme bonus offert par les services des domaines une assiette supplémentaire de 683 m2. Aïssa Smaï a été attributaire d'un terrain de 20 000 m2 à la zone industrielle de Oued Smar pour la réalisation d'une unité de fabrication de plastique. « On remarque l'intervention par lettre officielle (n°5647/SN/CAB/CA du 9 juillet 1997) signée par le directeur général de la sûreté nationale, Ali Tounsi, afin de régulariser le sieur Aïssa Smaï. » Une concession de 20 000 m2 a été également concédée à la caisse de promotion immobilière du ministère de la Défense nationale à Bordj El Bahri pour un projet de promotion immobilière et l'IGF a relevé le caractère « inhabituel » d'une telle concession pour une coopérative immobilière. L'Eurl Cirta-Com, de Mme Aïcha Guedidi, épouse Betchine, a quant à elle été affectataire à Dély Ibrahim d'une première parcelle de 10 000 m2 pour une unité d'impression et d'une deuxième parcelle de 2500 m2 pour la construction d'un bloc administratif. L'IGF a fait remarquer « l'extrême célérité avec laquelle le dossier a été finalisé, alors que le traitement de ce genre de concession selon la procédure normale par le Corf prend une moyenne de six à huit mois ». Amel Lamari (fille du général-major) a bénéficié de 20 250 m2 à Ouled Fayet pour construire une unité de conditionnement pharmaceutique. « La principale remarque à relever est relative à l'arrêté N°01/98/SG/GGA du 26 janvier 1998 pris par le secrétaire général du gouvernorat sans que le dossier ne passe par le Corf. » En matière d'autoconstruction, l'IGF a constaté 33 affectations (de gré à gré) de terrains non bâtis d'une superficie totale de 17 463 m2 pour un montant global de 33 977 720 DA, soit un prix moyen 1946 DA/m2. Durant la période de janvier 1994 à mai 1996, l'IGF a relevé de nombreux cas d'attribution dont la procédure de concession est illégale. Amar Sekhri a été attributaire de quatre parcelles d'une superficie respective de 134, 336, 171 et 137 m2 (soit 778 m2) avec un abattement de 5% sur le prix initial déterminé par les domaines sur sa simple demande. Lamri Haltali, un haut responsable du ministère des Finances, a été affectataire d'une assiette de 530 m2 à Bir Mourad Raïs et dont la décision a été signée juste avant l'interdiction signifiée par la circulaire du ministère du Budget. « Une dérogation du ministère des Finances lui a été accordée afin de débloquer l'acquisition désormais sous le coup de l'interdiction. » Smaïl Lamari (général-major) a bénéficié d'une parcelle de 1035 m2 à Hydra en vertu d'une décision signée par le SG de la wilaya (n° 99/96). Une seconde décision signée par le président du Corf le 21 juillet 1997 est venue autoriser la cession d'une autre parcelle de 510 m2 mitoyenne à la première. « Ce passé-outre du Corf et de la direction des domaines a été justifié dans l'acte additif du 22 septembre 1997 spécifiant qu'il s'agissait d'une seule parcelle totalisant une superficie de 1035 m2 + 510 m2 dont seule la seconde partie serait litigieuse. » Dans le cadre de l'investissement, l'IGF a énuméré une liste de cas de dépassements. Le premier concerne la cession de 45 244 m2 à Rouiba pour la Sarl Fruital « avec des conditions extrêmement avantageuses ». L'acte produit dans le dossier, a noté l'IGF, n'est autre qu'une promesse de vente signée entre les domaines et la Sarl et dont le paiement est échelonné sur cinq ans avec un versement initial et un différé de deux ans à compter du 1er janvier 1995. Le non-paiement de la première échéance aurait dû entraîner la résiliation de la promesse de vente. La deuxième cession de 5 590 m2 à Rouiba pour la même Sarl, a noté l'IGF, « est contraire à la lettre des circulaires du ministère du Budget qui préconise le recours aux concessions pour l'ensemble des investisseurs autres que les promoteurs immobiliers ». Le même cas a concerné la Sarl Mehri, qui a bénéficié d'une cession de 93 366 m2 à Rouiba. « Le non-paiement des échéances du 1er janvier 1998 et du 1er janvier 1999 aurait dû pousser les domaines à résilier la promesse de vente. » L'autre exemple édifiant est celui de Mohamed Sidi Saïd qui a bénéficié de 2500 m2 à Rouiba pour la construction d'une salle omnisports. « Le projet a été transformé en un centre de détente et de commerce. Le non-respect des clauses du cahier des charges est susceptible d'entraîner la résiliation pure et simple du contrat de la concession. Le concessionnaire a introduit une demande d'une seconde concession sur un terrain mitoyen au premier afin de faire une extension de la salle de sport qui en fait n'existe pas. L'extension lui a été accordée pour un terrain de 6 750 m2 en vertu d'une décision de la wilaya. » préjudice global Le promoteur Sahraoui a, quant à lui, été affectataire d'une concession de deux terrains de 131 600 m2 et de 7 875 m2 à El Achour. Cette deuxième parcelle a fait l'objet d'une location suivant instruction du directeur des domaines de la wilaya de Tipaza (en août 1990) pour servir de base de vie moyennant une redevance annuelle de 24 768 DA. Pourtant « l'enquête a établi que l'occupant a fait construire un bloc administratif en dur illicitement, sans tenir compte des normes de l'urbanisme d'une part et de ses engagements d'occupation temporaire d'autre part ». La mission de l'IGF a considéré cette occupation « illégale » du fait de « l'inexistence » d'un arrêté d'attribution la concernant. Par ailleurs, de 1994 au 31 décembre 1998, l'IGF a fait état de 27 258 m2 de terrains cédés à des particuliers via les agences foncières, dont 25 848 m2 uniquement par le biais de l'Agerfa. L'inspection a fait ressortir un préjudice global de l'ordre de 73 075 451 DA, causé au Trésor public, par des investisseurs qui n'ont pas payé les redevances des opérations de concessions de terrains domaniaux. L'inspection des domaines de Rouiba a enregistré le plus important montant de redevances impayées soit 28 217 843 DA dont 19 863 437 DA en tant que préjudice causé par les deux Sarl Fruital et Mehri. S. T.Par