Entamée en 1994, la dilapidation du foncier a connu une vitesse ahurissante sous le règne du gouvernorat. De nombreux hauts responsables ont profité des « passe-droits et du clientélisme », causant de graves préjudices au Trésor public, au moment où le pays était au bord de l'asphyxie. Adressé aux plus hautes autorités du pays vers le début de l'année 2000, le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) a fait état de la dilapidation du foncier à Alger, notamment durant la période comprise entre 1994 et 2000, période où l'Algérie était en proie à un terrorisme des plus féroces. Dans ce document d'une soixantaine de pages, les inspecteurs des finances ont remarqué que les responsables se basaient sur des critères « fortement subjectifs » dans l'octroi des cessions et concessions des immeubles non bâtis aux investisseurs et aux particuliers. Ils ont affirmé avoir constaté des « abattements dans les prix définitivement évalués » au profit d'un certain nombre d'attributaires, mais également de grands écarts entre les superficies attribuées et celles figurant sur les actes administratifs et dont la responsabilité « incombe entièrement » à la direction des domaines du GGA. Ils ont noté aussi « une prépondérance » des projets de services « au détriment » de ceux créateurs d'emplois tout en signalant la « non-conformité » à la réglementation en vigueur (l'arrêté interministériel N°2 du 7 juin 1994) de la création du Comité d'organisation et de régulation foncière (Corf). Ce dernier a été créé le 7 janvier 1997 par décision du ministre gouverneur, pour remplacer le Calpi d'Alger (Comité d'assistance pour la localisation des investissements), et selon l'IGF, il est tout aussi responsable de la situation que les services des domaines et le secrétaire général de la wilaya. Dans son rapport, la mission d'inspection a précisé que la réglementation relative à la conversion de la concession des terrains en cession « n'a pas toujours été respectée » du fait que certains certificats de conformité présentés par les prétendants à la cession « ne font pas état de l'achèvement du projet ». Pour détourner l'interdiction des cessions directes de terrains domaniaux au profit des particuliers, l'IGF a relevé deux procédés utilisés avec le consentement de l'administration. Le premier consiste à attribuer des terrains domaniaux aux agences foncières pour le compte de particuliers, et le second à suggérer aux éventuels attributaires de s'ériger en coopératives immobilières familiales pour « accaparer des parcelles isolées appelées sous un euphémisme de îlots résiduels ». Elle a énuméré de nombreux cas « de manquements graves à la réglementation » et relevé par ailleurs que la « quasi totalité » des concessionnaires ne s'acquittent que de la première redevance locative, dans le but de bénéficier d'un acte authentique de concession leur permettant l'accès aux prêts bancaires. « Le non-paiement des redevances locatives relatives aux concessions a occasionné un préjudice global au Trésor public de l'ordre de 73 075 451, 54 DA. » Cette situation a pour origine, ont relevé les inspecteurs, « l'opacité qui a entouré les transactions de terrains à travers des réseaux relationnels ou groupes d'influence ». « Grand-Alger » Le mode opératoire utilisé par certains responsables ayant géré le dossier du foncier au niveau du GGA s'est traduit par « le clientélisme et les passe-droits » et a permis des cessions de parcelles au profit de « certains initiés largement au-delà des possibilités limitées du portefeuille foncier du GGA et pour d'autres à un accès abusif à la propriété des immeubles domaniaux qu'ils soient bâtis ou non bâtis, y compris des parcelles de terrains situées en zone urbaine et constituant des poches foncières de haute valeur, nonobstant les différentes notes et circulaires émanant du ministre délégué chargé du Budget interdisant toute cession de ces dernières ». Pour l'IGF, ces pratiques « n'auraient jamais » été rendues possibles sans « la complaisance manifeste » de la direction des domaines du GGA, rappelant à cet effet son rôle en matière de respect des conditions d'utilisation des biens du domaine public et privé de l'Etat, et de leur préservation à travers le contrôle rigoureux des délibérations du Calpi et plus tard du Corf. Pour toutes ces raisons, l'IGF a suggéré une série de recommandations, parmi lesquelles la révision de la réglementation, « notamment la possibilité offerte aux concessionnaires de procéder à l'hypothèque portant sur le droit réel des concessions dont ils ont bénéficié », la limitation des superficies de terrains attribués dans le cadre de l'investissement privé à l'assiette indispensable au projet et préconisé une plus grande rigueur dans l'étude des opportunités des attributions pour privilégier les projets économiquement viables et financièrement rentables. L'IGF a demandé « l'annulation » des attributions de gré à gré au profit des particuliers dont la procédure n'a pas été finalisée avant la date de la circulaire 383 du 6 mai 1997. « Il est impératif de transférer les dossiers relatifs aux concessions finalisées par la wilaya de Boumerdès à l'inspection des domaines de Rouiba, désormais territorialement compétente, de leur transmettre les copies complètes des dossiers, notamment les adresses des concessionnaires et leurs domiciliations bancaires (...) afin que des sanctions extrêmes, voire des déchéances soient appliquées à l'encontre des concessionnaires défaillants... ».