Le débat engagé autour des énergies renouvelables autorise, dans le même climat d'inquiétudes qui s'y dégagent, un débordement sur le sujet des ressources renouvelables et la nécessité de leur préservation. Les ressources halieutiques, renouvelables dans le respect du biotope, menacent de disparaître sous les coups de force des pêcheurs eux-mêmes. Les dégâts occasionnés sont tels que la reprise de la pêche au chalut, après une fermeture annuelle de 4 mois, depuis avril dernier, s'est conjuguée au nouveau concept de la pêche. C'est du moins ce que l'on a tenté de faire à Béjaïa à travers une rencontre où a été conviée la communauté des marins pêcheurs de la wilaya. L'initiative de la chambre de la pêche de la wilaya a réuni une vingtaine de patrons de pêche autour d'une séance d'explication de « la charte internationale de conduite pour une pêche responsable ». Il y a près de deux ans, la conjoncture mondiale a amené les pays méditerranéens à donner naissance à cette charte. La sonnette d'alarme est tirée à la lumière des études d'évaluation des stocks pêchables effectuées chaque année dans différents pays à l'aide d'un bateau océanographique. En Espagne, les études qui ont révélé une surexploitation ont dicté la mise à l'arrêt de nombreux bateaux. Ailleurs, des variétés de poissons ont carrément été exterminées dans certaines zones. Fruit donc d'une prise de conscience des pêcheurs méditerranéens, la charte qui comporte 24 articles est pour les professionnels de la pêche ce que représente un code d'éthique et de déontologie pour les professionnels d'autres secteurs d'activité. L'Algérie a adopté le document et entend le vulgariser à travers une campagne nationale lancée au profit des professionnels du secteur. La dernière étude effectuée en 2004, après près de 22 ans d'absence (depuis l'étude du bateau français Talassa en 1982), fait ressortir que la zone côtière a montré ses limites pour ce qui est du poisson blanc (rouget, merlan, sole, pageot, dorade,...). A Béjaïa, où l'exploitation annuelle peine à dépasser les 3000 t sur les 5000 en stock pêchable, « le poisson blanc est suffisamment pêché », constate M. Bélaïd, directeur de la chambre de la pêche. Bien que les voyants ne sont pas encore au rouge, la pêche à Béjaïa subit des infractions, dont les principales ont trait au non-respect de la zone de pêche, qui ne doit s'effectuer qu'au-delà des 42 m, et au recours aux engins de pêche prohibés comme la double poche. Des pêcheurs en infraction ont été d'ailleurs rappelés à l'ordre par les gardes-côtes. La technique consiste à équiper les bateaux d'un deuxième filet de moindre maillage qui récupère les petits poissons, en deçà de la taille marchande que ne prend pas le premier filet. Un massacre doublé par le fait de racler dans les zones de frai, là où le poisson est en pleine reproduction. Ces infractions ont fait que des « sardines sans yeux », n'ayant pas atteint le stade final de développement, sont montées dans les filets, rapporte M. Bélaïd, qui ajoute que « le petit rouget pêché devrait retourner dans l'eau ». Un principe plus ou moins respecté au sein de la communauté européenne. Chez nous, le plus gros massacre est enregistré en septembre, la période de frai n'étant pas à son terme, constate-t-on dans le milieu des pêcheurs consciencieux qui regrettent ces dépassements à Béjaïa. « Du temps de la colonisation, la fermeture de la pêche intervenait de mai à octobre », se souvient un vieux pêcheur, aujourd'hui raïs, convaincu de l'urgence de revenir à ce calendrier. Partageant ce constat, la chambre de la pêche a fait la proposition au ministère de tutelle d'adopter une période de fermeture de la pêche de juin à octobre. En attendant, les pêcheurs justifient la pêche en deçà des 6 miles par le manque de matériel, et se plaignent de la pollution de l'eau. La charte ouvre sur un article qui stipule que « les professionnels se doivent d'assurer la perpétuité écologique pour la pêche maritime et continentale », comme elle exhorte les marins pêcheurs « d'adopter des méthodes et des procédures adéquates pour le respect du droit des consommateurs à un poisson et des produits halieutiques sans danger ». Des recommandations pour une pêche responsable mais aussi intelligente.