Deux chercheurs australiens ont gagné hier le prix Nobel de médecine pour avoir prouvé, face au scepticisme de la communauté scientifique, que les maladies d'estomac, notamment les ulcères, avaient une origine bactérienne et pouvaient donc être traitées par antibiotiques. Les travaux de J. Robin Warren, 68 ans, et Barry J. Marshall, 54 ans, entamés en 1982 à Perth (ouest de l'Australie), ont bousculé les idées reçues en la matière. Ils ont dû lutter pour imposer leurs vues, Marshall allant jusqu'à ingérer lui-même la bactérie qu'ils avaient identifiée, appelée par eux Helicobacter pylori (H. pylori), afin de prouver la validité de leurs recherches. Désormais, les ulcères d'estomac ne nécessitent pratiquement plus de traitement chirurgical et les cancers de cet organe régressent sensiblement, même s'ils restent la deuxième forme de cancer la plus mortelle dans le monde. L'assemblée Nobel de l'Institut Karolinska de Stockholm a salué les deux chercheurs pour « leur découverte remarquable et inattendue ». « Merci à tous ! Pour le moment, je suis submergé de coups de téléphone de félicitations qui arrivent de partout dans le monde », a déclaré Barry Marshall sur son site internet. Les premières réactions dans le monde ont été enthousiastes. En Grande-Bretagne, Lord May d'Oxford, président de la Royal Society, a déclaré : « Le travail de Barry Marshall et Robin Warren avait produit l'un des changements les plus radicaux et les plus importants de ces 50 dernières années. » Rappelant que Marshall s'était inoculé la bactérie en 1985 pour faire taire les sceptiques, Lord May a estimé que « cet acte extraordinaire avait démontré son exceptionnel engagement et son dévouement à sa recherche ». En France, le professeur de bactériologie Francis Megraud de l'université de Bordeaux, responsable du centre national français de référence pour cette bactérie, a estimé qu'« il n'y a pas beaucoup de découvertes médicales qui aient autant d'impact sur la vie des gens ». Selon lui, « la maladie ulcéreuse est en voie de disparaître » dans les pays développés. "H.pylori" est contenue dans l'estomac d'environ la moitié des humains, mais la proportion est beaucoup plus forte dans les pays en voie de développement. Elle évolue dans la partie basse de l'estomac, l'antre. Une fois attrapée, souvent dès le plus jeune âge, par transmission de la mère à l'enfant, elle reste dans l'estomac pendant toute la vie d'une personne si elle n'a pas provoqué d'infection. Cette bactérie est la cause de 90% des ulcères du duodénum, la partie initiale de l'intestin grêle et de 80% des autres ulcères gastriques. L'inflammation provoquée par la bactérie peut être liée aussi à une variété de cancer gastrique rare, le lymphome gastrique. Toutefois, le traitement aux antibiotiques peut permettre des rémissions, voire la guérison, selon le professeur Megraud. Pour aller plus loin dans l'étude des mécanismes de l'inflammation et son éventuelle transformation en tumeur, des expériences ont lieu sur des gerbilles, petite souris des savanes. Selon l'assemblée Nobel, la découverte que l'ulcère de l'estomac était d'origine microbienne a stimulé la recherche pour d'autres maux dus à des inflammations, comme la maladie de Crohn (inflammation chronique de l'intestin), la colite (inflammation du côlon), l'arthrite ou encore l'athérosclérose.