Dix ans bientôt, depuis la conférence de Barcelone en novembre 1995, le partenariat euro-méditerranéen revêt une importance particulière. Il a dépassé le stade d'un simple projet théorique pour devenir une réalité qui prend la forme d'une relation organisée entre les pays du nord, du sud et de l'est du bassin méditerranéen. C'est plutôt une force essentielle susceptible d'agir sur les orientations et sur l'avenir d'un grand nombre de pays arabes. Cette force aura peut-être un impact important sur les choix et le futur de l'entité arabe elle-même. En effet, après l'idée du dialogue euroarabe des années 1970 et qui s'est terminé par un échec, l'Europe occidentale est de nouveau ramenée à définir une politique organique avec le monde arabe et à donner ainsi une réponse à une question historiquement non résolue : Quelle place pour les pays arabes dans le système international et plus particulièrement dans « l'ordre méditerranéen » devenu un paradigme de l'ordre mondial ? Dans le cadre d'une zone de libre-échange devant inclure tous les pays méditerranéens vers 2010, l'Europe fixe sa stratégie vis-à-vis du Maghreb que l'ont peut résumer ainsi : * Coopération économique sous le signe du libre-échange avec des moyens financiers d'accompagnement pour atténuer les conséquences sociales en particulier de la déstructuration industrielle. * Dialogue politique avec les gouvernements du Sud qui craignent essentiellement la déstabilisation sociale et politique. * Stratégie de containment face aux flux migratoires et aux risques d'extentions du terrorisme, ce qui suppose une certaine capacité de contrôle stratégique de la Méditerranée occidentale et la recherche d'accords avec les gouvernements locaux. De ce point de vue, la conférence de Barcelone peut-être vue comme une tentative de rééquilibrage géopolitique de l'Europe en Méditerranée face aux Etats-Unis. Ce rééquilibrage a pris la forme d'une affirmation plus forte des relations euro-maghrébines pour lesquelles les Etats-Unis sont de fait amenés à reconnaître à l'Europe, à la France surtout, un droit de sous-traitance ; en même temps à partir du Maghreb, mais aussi de l'Egypte, l'Europe reprend pied au Moyen-Orient, en termes de « partenariat » avec la Syrie et les Palestiniens en particulier, en insistant, face à Israël et aux Etats-Unis, sur la nécessité d'appliquer le droit international. Ce sont les valeurs européennes humanistes qui ont inspiré la charte des Nations unies : Les valeurs de la révolution française, les apports de la démocratie à l'anglaise, la philosophie du droit des Italiens et des Allemands, l'héritage européen de nationalisation et de laïcisation du politique et du juridique. Il s'agissait de faire du droit un instrument d'objectivité, donc de justice. L'exemple du peuple palestinien, victime d'une injustice flagrante en raison du soutien indéfectible à l'Etat d'Israël ainsi que la guerre contre l'Irak, dont le but est de « casser les reins » à un Etat qui pesait sur l'échiquier régional. Sur le plan économique, la méthode proposée - l'aide économique - par les gouvernements européens ne correspond pas seulement à une vision européenne du monde, elle trouve un répondant notable dans les intérêts des groupes dirigeants des pays « bénéficiaires ». Pour eux, un engagement centralement axé sur le plan économique représente l'idéal : il remplit d'abord leurs poches et les libère de tout ce qui a une quelconque implication politique ou culturelle qu'ils vivent comme une ingérence ou un obstacle. Réduire la relation entre l'Europe et le sud de la Méditerranée à une pure dimension de libre-échange, accompagnée de mesures de sécurité de type militaire représente donc l'intérêt de tous les gouvernements. Si les Etats arabes peuvent ainsi se sentir rassurés, sécurisés, il n'en reste pas moins que Barcelone ne remet en aucune manière en cause le processus de mondialisation à travers le libre- échange en particulier pour ses conséquences sur l'intégration régionale du monde arabe. La mondialisation articule les systèmes productifs de plus en plus sur l'extérieur en décalage croissant avec les réalités et les nécessités économiques et sociales internes. Il en résulte une désarticulation nouvelle de la situation productive du Maghreb en particulier et donc une aggravation de la dépendance dans l'interdépendance (dépendance technologique agroalimentaire). A suivre Bibliographie : Déclaration de Barcelone adoptée lors de la conférence euro-méditerranéenne (27/28 nov 1995) Partenariat euro-méditerranéen (Bichara Khader) Rive, revue de politique et de culture méditerranéennes.