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Un bidonville au chemin des Glycines
El Biar
Publié dans El Watan le 09 - 10 - 2005

Cela paraît peu probable en raison de la magnificence de l'arrondissement et de son statut de quartier hautement résidentiel.
Notre hôte, M. Mohamed S., qui habite à la caserne, a accepté de nous accompagner tout le temps qu'a duré le tour du propriétaire, et nous raconte l'histoire de ce qu'il est convenu d'appeler désormais le lieudit de « Nass El kazirna » « A l'origine, la caserne est située à Ghabet chinoua (la forêt chinoise) et est mitoyenne avec la résidence de Djenane El Mithaq, où était placé en résidence surveillée le prince du Vietnam, déporté à Alger, lors de la guerre d'Indochine. Le cantonnement de la forêt de Poirson, qui date de l'époque coloniale (1950), est érigé sur une surface de plus de 5 ha. Durant les années 1980, la caserne est cédée aux Domaines des biens de l'Etat par l'Anp », nous a dit M. Mohamed S.
La terre promise de « Nass El kazirna »
La genèse de l'éclosion de la favela remonte au 12 décembre 1990, lorsque la gestion de l'apc d'El Biar était administrée par le parti dissous. « Au départ, il était question de reloger 17 familles, dont trois résidant effectivement à El Biar. Peu de jours après, la nouvelle du relogement provisoire des ces cas nécessiteux s'est répandue aussitôt comme une traînée de poudre, et, profitant du désordre qui prévalait durant cette période, 150 familles venues d'autres localités ont élu domicile par force dans les infrastructures de la caserne », a tenu à préciser notre interlocuteur. Avant cette intrusion, les familles nécessiteuses coulaient des jours heureux en attendant l'attribution d'une habitation décente par les services de la wilaya d'Alger. « J'occupe une partie du mess des officiers, dont je m'efforce de préserver l'esthétique architecturale. Hélas, les indus-occupants, qui sont arrivés par la suite, ne se soucient guère de l'aspect esthétique de l'endroit et encore moins de la protection de l'environnement », a ajouté notre hôte. En conséquence, les installations, telles que le bloc administratif, les dortoirs, le mess des officiers, l'ordinaire et la salle de spectacle ont fait l'objet d'un squatte minutieusement organisé en nocturne.
Les barons du foncier s'en mêlent
L'occasion fait le larron, et le long des années 1990, des agents de l'administration communale d'El Biar, fort de l'aval des délégations exécutives (DEC) et des équipes municipales qui se sont succédé, ont rejoint à leur tour le bivouac en plein air, nous dit-on. Commence alors la construction anarchique et tous azimuts de groupes dissemblables de masures précaires et de chaumières tout le long du mur de clôture de la caserne. Appétit vorace aidant, le terrain de football de la caserne n'est plus qu'un enchevêtrement de taudis conçus en tôles et en parpaings. Par contre, d'autres indus-occupants, plus nantis, ont entrepris de réaliser des villas cousues. Autrement dit, de douteuses transactions immobilières de constructions somptueuses et illicites se tramaient au nez et à la barbe des pouvoirs publics. Plus grave, de luxueuses maisons inhabitées attendent preneurs ou servent tout simplement de... pied à terre ou de résidences secondaires à de « soit disant » nécessiteux. « Des fonctionnaires de l'administration du cadastre ont usé de quelques subterfuges pour obtenir le désistement des services des Domaines. Mais rien n'y fait. L'administration est restée intransigeante et aucun acte de désistement n'a été délivré », nous dit notre interlocuteur. Ici, nul ne peut prétendre aux dimensions et à la surface irréversible de sa... propriété. Ce qui engendre, dans bien des cas, des desseins d'extensions sur les plus faibles, d'où la prolifération de conflits de voisinage.
Le fait accompli
Présentement, l'endroit n'a aucune existence juridique en dépit d'une série d'opérations de recensement opérées par les services de l'urbanisme de l'Apc d'El Biar et des services de sécurité lors de la « décennie rouge ». Ce qui traduit le désarroi des occupants qui ne disposent pour le moment ni de décisions de concessions de terrains ni des autorisations de permis de construction. D'un accord tacite, M. Z., le DEC de l'époque, a même instruit les services de l'état civil de l'Apc d'El Biar, à l'effet de délivrer des certificats de résidence aux habitants de Nass Al Kazirna. Si Sonelgaz a satisfait aux travaux d'installation des compteurs d'électricité dans les chaumières, en revanche les agents de l'ADE éprouvent des difficultés à honorer leurs engagements. Et pour cause, le raccordement opéré à l'insu de l'ADE sur le réseau de l'alimentation de l'eau potable complique davantage l'identification des « abonnés ». S'agissant de l'hygiène, notre interlocuteur pointe un doigt accusateur vers l'organisme Netcom qui ne s'acquitte pas de ses prérogatives. Selon Mohamed S., le responsable du comité d'initiative s'en remet à chaque fois à l'Apc d'El Biar pour l'évacuation des détritus. Les désagréments sont multiples. Autres nuisances : l'éclairage public est inexistant, ce qui s'ajoute au climat d'insécurité totale qui s'esquisse dès la nuit tombée. L'obscurité est à l'origine des agressions et des cambriolages commis à l'intérieur du bidonville. Des groupuscules épars de jeunes vivent de petits larcins et s'adonnent à la consommation de drogues et d'alcool tout près du portail d'accès de la caserne et de la résidence de l'ancien président du comité d'organisation des Jeux africains de 1978. « L'exécutif communal d'El Biar ignore tout de notre existence. La preuve, les élus préfèrent honorer les cérémonies de distinction qu'ils organisent régulièrement dans les salles de fêtes privées et des hôtels huppés de la capitale aux coûts de dizaines de millions de centimes au lieu de se pencher sur nos cas », ont déclaré des habitants nécessiteux et qui attendent d'être relogés décemment depuis déjà 15 ans. En attendant, les cortèges officiels, qui empruntent régulièrement le chemin Cheikh Bachir El Ibrahimi, sont à mille lieux de soupçonner l'existence de Nass El Kazirna. Cela arrange bien des intérêts tant qu'ils restent à l'abri des regards.
N. D., N.K.


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