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Les sentinelles de l'etrêmes sud
Face aux gspc, trafic de cigarettes, migrations clandetines
Publié dans Liberté le 23 - 01 - 2007

À mi-chemin entre Bordj Badji Mokhtar, la dernière porte avant le Mali et Reggane, Bidon 5 est dépourvue de tout. Pas de téléphone, pas d'eau, juste du sable que les GGF ont adopté, avec lequel ils ont appris à vivre, à composer. L'escadron essaie de créer la vie, de l'animation sous le soleil, dans ce “coin” constamment balayé par le vent.
Bidon 5 ! Lieu dit ? Contrée ? Coin perdu au milieu du désert désigné par un fût et que l'on ne peut repérer qu'à un vieux mirador datant de l'époque coloniale. C'est le seul obstacle à la vue qui se perd dans l'horizon sablonneux et infini. S'il y a mérite, il revient au topographe Essien qui, après la disparition d'une expédition non loin de Reggane, a décidé de placer des repères le long de la piste. Chaque 100 km, le topographe place un fût. Le cinquième tombe à Bidon 5. Le nom est resté, la surveillance aussi. Le nom est resté une énigme jusqu'au jour où d'anciens soldats français sont venus en pèlerinage, dans un endroit non loin de ce poste d'observation, pour se rappeler de leurs amis qui ont péri dans un crash. L'un des pèlerins avait alors expliqué l'origine de ce nom. Les gardes-frontières algériens se sont installés juste en face de l'ancien camp français dont restent encore quelques vestiges. À mi-chemin entre Bordj Badji Mokhtar, la dernière porte avant le Mali et Reggane, Bidon 5 est dépourvue de tout. Pas de téléphone, pas d'eau, juste du sable que les GGF ont adopté, avec lequel ils ont appris à vivre, à composer. L'escadron essaie de créer la vie, de l'animation sous le soleil, dans ce “coin” constamment balayé par le vent.
Bidon 5, l'histoire d'un fût
A première vue, cela ressemble à un lieu de punition. Pourtant, tous les éléments de l'escadron, dont certains n'ont pas quitté l'endroit depuis sept mois, sont plutôt à l'aise, conscients de l'importance de leur mission. Leur mission est claire : elle consiste à contrôler le flux de l'unique route qui relie Reggane à Bordj Badji Mokhtar et la frontière, au moins une fois par semaine.
Ceux qui empruntent cette route doivent passer par trois contrôles, un poste militaire, un barrage de gendarmerie avant d'arriver à Bidon 5 où l'on vérifie le titre de passage qui comprend les deux cachets des barrages précédents. Ce qui explique, nous précise un lieutenant commandant l'escadron, l'absence de la contrebande à ce niveau, qui est pourtant le territoire le plus vaste de la frontière sud. Sur l'axe, les choses se présentent faciles, le plus dur est dans le contrôle régulier de la frontière et dans la poursuite des éventuels contrebandiers.
En effet, pour assurer la sécurité de ce territoire, les GGF partent en “mission” de plus de deux jours. Le parcours est constitué de plus de 80 km de piste, après quoi ils doivent continuer à pied. Il leur est arrivé une fois de se perdre. Ils ont été retrouvés par l'aviation militaire, affirme un pilote de l'ANP. Aujourd'hui, toutes les missions utilisent le GPS pour se positionner.
La troupe a le moral au beau fixe malgré un léger stress dû à la visite d'inspection qu'entamera demain le général Hamel qui commande les gardes-frontières. Quitter Bidon 5 après un bref aperçu laisse déjà une empreinte de nostalgie. Ce point de vie au milieu de nulle part ne laisse pas indifférent. Il exerce une mystérieuse attraction, même si l'on est convaincu de la difficulté de ses conditions de vie. La nuit commence à étendre son voile sur la fraîche journée. Le soleil décline selon une trajectoire qui rend ses rayons insupportables. C'est le moment de rentrer. Le convoi, juste deux voitures tout-terrains, s'ébranle. Direction le commandement de la compagnie situé à 120 km, à Bordj Badji Mokhtar.
Ce tronçon de route est bitumé. Le seul d'ailleurs des 500 km qui mènent vers Reggane. L'entreprise chargée des travaux, la seule dans la région, a été appelée pour achever les travaux de la piste de l'aéroport de Bordj. Seule l'EVSM est disponible dans tout le périmètre qui va d'Adrar à Bordj Badji Mokhtar. Malgré l'impatience de la population, la certitude de voir les travaux avancer et s'achever bientôt réconforte. La fibre optique arrive aussi. Il ne reste pas grand-chose des 800 km qui la relient à Adrar. Sans cela, BBM est presque isolée du reste du pays.
Faire face à la contrebande
Vers le Sud, soit 14 km, c'est le Mali, Tinzaouatine avec son lot de contrebandes de carburant, de cigarettes et d'immigration clandestine. Mais les clandestins sont rares à s'aventurer sur ce chemin, affirme le capitaine Deraï de la 33e compagnie des GGF dont les quartiers sont pris à Bordj Badji Mokhtar. BBM, extrême sud, extrême température, a-t-on l'habitude d'entendre dans le bulletin météo de la télévision. En ce début de janvier, le mercure n'arrive pourtant pas à remonter la pente. Ce n'est que vers 10h que le soleil prend sa véritable place. Hommes, femmes, enfants et chèvres commencent à déambuler le long de la multitude de ruelles poussiéreuses qui donnent un air de labyrinthe à cette ville qui n'a aucun toit visible. De 10 h jusqu'aux alentours de 18 h, elles sont balayées par une brise qui soulève le sable. Même la brise ressemble à un vent de sable ici, explique un sous-officier des GGF pour décrire la vie à BBM. Malgré la poussière, le vent, personnes et engins continuent leurs incessants mouvements entre les ruelles droites.
Que font autant de camions dans cette “ville” alors qu'il n'y a pas grand-chose à transporter ? Du carburant, surtout. La seule pompe du
coin est prise d'assaut par une queue de véhicules en quête de quelques gouttes de plus à revendre au Mali. L'approvisionnement se fait une fois par mois et le fuel est rationné par les autorités civiles. Pourtant, les contrebandiers trouvent toujours moyen de contourner cette difficulté. Certains revendent une partie de leur ration à un prix plus élevé pour la contrebande. Les GGF arrivent difficilement à juguler le phénomène. Les autochtones, des nomades pour la majorité, n'ont aucun autre moyen de survie. Pour autant, les services de sécurité ne tolèrent aucun délit. Les rondes dans tous les recoins de la ville et les missions sont régulières. Car ce n'est pas tant la petite contrebande qui pourrait causer des problèmes de stabilité, mais ses connexions avec les autres phénomènes. À ce sujet, le général Hamel est catégorique. Tous les phénomènes sont liés et porteurs de risque sur la sécurité. L'immigration clandestine finance la contrebande, la contrebande à son tour finance le terrorisme, a-t-il expliqué. D'où son insistance sur le strict respect des missions. Sa visite d'inspection a été bien appréciée par les GGF qui la considèrent comme un signe hautement significatif de l'intérêt et de la considération que leur porte l'état-major. La compagnie s'est préparée pour l'accueillir. Cela est apparent de l'extérieur à travers “le décor” qui tranche nettement avec l'aspect de la ville.
Nomades, chnaoua et sécurité du pays
Dans toute la ville, constituée de hauts murs en parpaing, et alentour, il n'y a aucun point de verdure. Pas une plante. Seule un début de plantation de palmiers, au sud de la ville, une revalorisation agricole ratée, tente de résister aux assauts des éléments et de l'homme. Elle sert de refuge aux clandestins que les GGF sont obligés de débusquer pour les reconduire à la frontière. En face, juste séparées par la rue principale, la 33e compagnie et la caserne militaire, avec à l'intérieur des arbres et des plantes que soignent comme des animaux de compagnie les locataires. Le coton pousse rapidement s'il est arrosé souvent, explique un lieutenant entre l'exécution de deux ordres. Et pourquoi ne fait-on pas de même en ville ? La majorité des habitants de la ville sont des nomades sédentarisés, ils gardent les mêmes réflexes, le même mode de vie.
Leur credo, c'est le troc. D'ailleurs, les rares commerçants de la ville sont venus du Nord. Du Tell, comme ils disent. Ces dernières années ont vu l'apparition de cafés et épiceries ; on trouve même des marchands de fruits et légumes. Les animaux domestiques, chèvres et agneaux qu'on retrouve dans toutes les maisons, se contentent du contenu des poubelles, de papier, des sachets en plastique. Dans les rues, animaux et humains cohabitent, partagent les mêmes espaces avec comme air de fond le vrombissement des moteurs.
Les autochtones semblent marcher avec mollesse ; ce qui les différencie des “Chnaoua”. Les Chnaoua ne sont ni les Chinois et encore moins les supporters du MCA, mais les Blancs, les gens venus du Tell. Ainsi les deux casernes semblent être les seules à animer la vie de Bordj-Badji-Mokhtar avec un mouvement de fourmis des véhicules “verts” qui rentrent et sortent. Et personne n'évoque ici sa vie comme une souffrance. La plupart des GGF parlent de devoir et comprennent qu'ils soient affectés dans cette région reculée. “Il faut bien que chacun de nous passe par ici pour assurer la sécurité du pays”, disent-ils. Coïncidence !
Notre passage et l'inspection du général Hamel interviennent au moment des mutations. Bon nombre des GGF attendent d'être appelés pour remonter vers le Nord après ce séjour ardu. Ceux mariés, raconte la rumeur, seront rapprochés de leurs régions. Le soir, le vrombissement des moteurs et le bruit des hélicoptères continuent de rythmer la vie nocturne de BBM.
Le général est reparti pour entamer la suite de sa visite et BBM n'a pas changé d'un iota. Le moral des troupes est bien remonté. C'est encourageant, ont estimé les GGF, non sans la fierté du devoir accompli.
Les problèmes évoqués sont le manque de transport, puisque le seul moyen efficace demeure l'avion militaire, l'approvisionnement et le vent de sable qui semble s'être définitivement incrusté dans le destin de cette localité. Le soleil prend le chemin de son éclipse pour céder à la fraîcheur coupante de la nuit. Il ouvre aussi la voie devant les contrebandiers qui ne s'aventurent qu'en compagnie de l'obscurité. Des fûts pleins de carburant devraient arriver au nord du Mali s'ils ne sont pas interceptés par les gardes-frontières. Fins connaisseurs des pistes, les contrebandiers ne craignent pas la route et ses aléas. Ils sont à la fois chauffeur, mécanicien et guide. Selon le bilan de l'année passée, le trafic de carburant n'a pas cessé, mais l'immigration clandestine a beaucoup régressé. Il y a aussi le trafic de cigarettes. Cela est frappant, sur les rares étalages, on ne trouve que des cigarettes de contrebande. Des Legend et très rarement des Gauloises blondes de Mauritanie.
Paradoxalement, on ne trouve aucune marque de cigarettes locales. Bien évidemment, il n'y a aucun bureau de tabacs. Juste des tables approximatives comme dans beaucoup de villes du pays pour leurrer le chômage, occuper les jeunes sans avoir à s'enregistrer au registre du commerce. Ce sont les camionneurs qui se chargent de ce trafic, explique un gendarme. Sur ce plan, la chasse est souvent fructueuse. Les GGF saisissent, lancent la procédure…
D'autres prendront la place dans ce trafic. Ont-ils d'ailleurs autre chose à faire ? Peut-être ! estime avec espoir le chef de daïra de Bordj Badji Mokhtar, qui se démène comme un “beau diable” pour donner une âme à sa ville. Il pense qu'un changement de statut de sa localité peut apporter un plus. Tout manque ici, dit-il.
À mi-chemin de nulle part
La ville reprend sa lente et monotone marche, sa face poussiéreuse et ses cortèges de camions en quête de fuel à vendre ou en partance vers Adrar pour les approvisionnements. Chez les GGF aussi, c'est comme une pause. La visite du général s'est bien déroulée. On peut respirer.
Retour vers le point de départ, le présent, Tam par où tout commence dans le grand Sud.
Nonobstant les aléas, les probabilités et les prix d'Air Algérie, l'avion est le meilleur moyen pour se rendre à plus de 2 000 km au sud d'Alger. L'Algérien ne cadrant pas avec la catégorie “touriste” ne s'y rend qu'avec un objectif précis.
Tamanrasset, on peut l'imaginer comme un rond-point, un carrefour où atterrissent, à la fois, les touristes blancs en quête d'exotisme, les clandestins en quête de passerelle vers l'Europe, ou tout simplement d'un travail décent, et les Algériens en quête d'oxygène et d'espace, ce qui donne à cette ville, en constante extension, l'allure d'une métropole cosmopolite mal organisée. Les services de sécurité sont là pour veiller à l'ordre, contrôler et surveiller les mouvements de toute sorte et difficiles à contenir.
On reconnaît la région, entre autres, à sa température nocturne très basse. Tamanrasset vous accueille le matin avec les morsures de son froid alors que le soleil peine à s'imposer en début de matinée. Malgré le froid, Tam continue de vivre, y compris la nuit contrairement aux villes du Nord qui dorment dès la tombée de la nuit.
À cette heure du matin, on a l'impression d'être fouillé par les aiguillons du froid et que la laine arrive à peine à procurer de la chaleur. À peine arrivé au commandement des GGF qu'il faut déjà reprendre la route vers le sud de Tam. Destination Bordj Badji Mokhtar.
La porte du vrai désert
Ici, dans cette zone impitoyable, l'homme n'a pas vraiment beaucoup d'amis. Le tout-terrain est le meilleur ami de l'homme. Il y a ensuite le guide, cet homme du désert qui connaît jusqu'aux secrets du sable. Et enfin, le GPS. Ces deux derniers se complètent dans une harmonie de bonne entente. Le cortège s'ébranle et se lance vers le désert. La route défoncée en plusieurs endroits ne mène pas plus loin que la sortie ouest de la ville. Première brève escale à Abalsa.
Le guide appelé plus tôt est déjà là. Sa compagnie est obligatoire. Toutes les brigades ont recruté un guide qui est embarqué dans toutes les missions dans le désert. Ahmed, notre guide, est aimable, mais reste taciturne. Il parle très peu. Quand on lui demande, il répond aux questions, sans commentaire. Il nous accompagne pendant 200 km. Cela fait déjà des heures que nous avons franchi la dernière porte de Tam, Sillate. À partir de là, l'on ne verra plus de bitume ; rien que du sable, d'interminables pistes dans un territoire vaste à l'infini. 200 km, c'est le premier poste de contrôle, le 3e escadron, au milieu de nulle part. Quelques arbres téméraires continuent d'exister pour donner un semblant de couleur au camp.
La pause dure le temps d'un thé et un autre convoi se met en route. D'autres voitures et un autre guide. Sur place, on laisse deux camions parqués transportant une cargaison de fuel. Ils ont été interceptés par les GGF. 15 000 litres de carburant dans des fûts. Cela fait déjà quelques jours qu'ils sont là en attente que leurs propriétaires viennent les dépanner et les récupérer. Les contrebandiers utilisent souvent la technique de mettre en panne leurs véhicules dès qu'ils sont interceptés par les GGF qui ne disposent pas de moyens de tractation.
Sur la piste de la RN1 Il reste, à partir de là, 500 km de piste approximative à dévaler pour arriver à destination. La végétation se fait de plus en plus rare. Même l'acacia connu pour sa résistance commence à disparaître devant le sable qui occupe tout l'espace.
Les squelettes des poteaux datant de l'ère Boumediène nous servent de repère. On y trouve aussi des fûts plantés dans le sable comme des balises. Les poteaux sont délestés de leurs panneaux solaires et des batteries. L'Algérien est devenu l'ennemi public numéro 1 de son propre concitoyen, de son pays. Comme le criquet, il dévaste tout sur son passage, la RN1, qui n'en est pas véritablement une. “Avant, même si la piste n'est pas très fréquentée, on avait quand même de la lumière”, raconte notre nouveau guide. La piste cahoteuse donne au trajet l'air interminable. Le guide est aux aguets. Il ausculte la piste, les traces, le sable de son regard fixe.
Le décor n'a pas changé depuis des heures. Jusqu'au moment où le guide, de la main, oriente le chauffeur vers l'ouest. En effet, la piste se scinde en deux. Pourquoi prendre à droite et ne pas continuer tout droit ? “C'est la route du Mali”, répond le guide.
Le sable ne cédera qu'à la porte de BBM. Il fait déjà nuit. BBM plonge dans la lumière des réverbères qui viennent d'être installés.
Il fait déjà aussi frais qu'à Tam ou Alger en cette saison. La température se rapproche de zéro. Il n'y pas d'humidité, mais beaucoup de poussière, du sable en mouvement suivant le sens de la brise.
Clandestin ou la raison de vivre
La 33e compagnie grouille, se prépare, prépare la visite d'inspection du général Hamel. Avec les officiers, la discussion tourne autour, exclusivement, de l'immigration clandestine. Une trentaine de nationalités ont été recensées. Il y a des clandestins qui sont à leur cinquième tentative, a indiqué le capitaine Derai. Les GGF les refoulent vers le sud, la ville la plus proche, mais ils reviennent inlassablement.
Ils savent qu'ils seront bien traités en Algérie, et ils comptent sur cela. Ceux qui portent un titre de passage se rendent généralement à Tam avant de rallier le Nord pour tenter d'aller en Europe par le Maroc. Ceux qui sont en situation irrégulière ou qui ont commis un délit sont remis à la justice qui décide souvent de leur reconduction à la frontière. Le capitaine comprend bien la situation de ces “errants” qui sont un véritable fardeau pour leur pays. La solution, suggère-t-il, est d'aider ces pays économiquement pour stabiliser les gens. Les clandestins sont de moins en moins nombreux à s'aventurer par BBM. Le renforcement du dispositif de contrôle et de surveillance et la difficulté des accès les ont poussés à chercher d'autres itinéraires. Même la contrebande commence à se réduire. Les bilans font ressortir un taux de trafic plus important à la frontière ouest, du côté de Maghnia. Pour le général Hamel, ces phénomènes imbriqués, et donc porteurs de risques, sont à intégrer dans le cadre de la mondialisation.
Retour vers le futur
Un autre jour se lève, semblable aux autres jours du calendrier. À Bordj Badji Mokhtar comme à Tamanrasset, les vélos sortent dans les rues, les moteurs se mettent en marche et les services de sécurité veillent. On comprend ainsi facilement la destination des millions de vélos qui sortent du port d'Alger. Aux premiers rayons de soleil, les genres se mélangent. Les chèvres sortent brouter dans quelques poubelles en l'absence de végétation. Elles mâchent papier, carton et sachet en plastique. Cela sous le regard indifférent des passants. Ces animaux connaissent parfaitement le chemin. Ils errent jusqu'au soir.
Le même phénomène est constaté à Tamanrasset où les quadrupèdes prennent d'assaut, dès le matin, poubelles et décharges publiques. En grands nettoyeurs, il ne reste que les objets durs ou en pvc après leur passage. On raconte que des éleveurs achètent du papier d'emballage pour le donner à manger aux chèvres. Mais ça reste impossible à vérifier, d'autant plus que les “propriétaires”, des autochtones, ne sont pas très communicatifs avec les étrangers ou avec des gens extérieurs à leur région. Mais la cohabitation se passe bien, et tout le monde s'y accommode. Même le ghetto de Qetaâ El-Oued, où se déversent tous les clandestins, est perçu désormais comme un élément du décor quotidien de Tam. Pourtant, ce lieu qui s'étend de plus en plus avec de nouvelles baraques, est considéré comme un endroit dangereux où pullulent toutes sortes de fléaux. Des gendarmes avouent ne pas s'y aventurer s'ils ne sont pas nombreux. Aussi ne réagissent-ils pas parce que les autorités civiles laissent faire. L'endroit devient, dès la tombée de la nuit, selon les dires, un coupe-gorge. En attendant une éventuelle décision de la wilaya de les déloger, les maladies, y compris le sida, continuent leur bonhomme de chemin ainsi que d'autres phénomènes de plus en plus incontrôlables. Tout le monde souffre également des mêmes frustrations. Manque de médicaments, de médecins spécialistes - il n'y en a aucun à Tam —, de produits frais... On a même trouvé un médecin qui s'est improvisé spécialiste en plusieurs maladies à la fois. Et les prix pratiqués sont exagérément excessifs.
La virée s'achève en laissant derrière des impacts indélébiles, un goût d'inachevé et surtout cette impression que tout reste à faire. Et quitter ainsi le grand Sud ressemble à un retour vers le futur. Chacun reprend sa route, vers le Nord ou vers l'extrême Sud, dans une logique de partage des tâches inéquitable, dictée par le devoir.
D. B.


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