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L'Amérique veut faire peur au monde
Nucléaire
Publié dans El Watan le 12 - 10 - 2005

Le 24 mars 2003, le journal News Week publiait en couverture, une photo de la MOAB (Mother of Ail Bombs, mère de toutes les bombes) pesant 10 750 kg et d'une capacité explosive de 9 t de TNT (en comparaison celle d'Hiroshima équivalait à 13 000 de TNT).
Sous le titre menaçant « Pourquoi l'Amérique fait-elle peur au Monde ? ». Cette information interrogative était en réalité un message d'intimidation adressé par les stratèges du Pentagone à certains Etats, s'ils persistaient à empêcher les Etats-Unis dans leur volonté de régenter toute cette zone géostratégique qu'est le Moyen-Orient. Le terme Moab n'a d'ailleurs pas été choisi par hasard. Il désigne le pays du même nom situé au-delà du Jourdain et rival de l'antique Israël. Une étude secrète datant de 1995, initiée par le Strategic Command, responsable de l'arsenal nucléaire stratégique des Etats-Unis, recommandait à certains membres du gouvernement fédéral de donner d'eux-mêmes, une image de gens irrationnels « apparaissant comme potentiellement fous, impossibles à contrôler pour contribuer à créer ou à renforcer les craintes et les appréhensions dans l'esprit de nos adversaires »(1). Cette idée n'était pas nouvelle. Moshe Sharett, Premier ministre d'Israël dans les années 1950, notait dans son journal intime que certains dirigeants du gouvernement israélien « prêchaient en faveur d'actes de folie »(2) dans le but d'intimider leurs voisins arabes.Durant la guerre du Vietnam, cette « théorie du fou » fut également préconisée par le président Richard Nixon pour que « les ennemis des Etats-Unis comprennent qu'ils ont en face d'eux, des cinglés au comportement imprévisible, disposant d'une énorme capacité de destruction. La peur les conduira ainsi à se plier aux volontés américaines »(3). Cette stratégie de la terreur a été et continue d'être expérimentée par ces mêmes dirigeants. Les uns sur le peuple palestinien depuis 1948 à ce jour et les autres sur certains pays qui entravent leurs plans de domination du monde. Le titre de News Week est loin d'être innocent...
Une superpuissance sans foi ni loi
L'invasion de l'Irak, réalisée contre l'avis de la communauté internationale, la politique partisane dans le conflit israélo-palestinien, les menaces persistantes proférées à l'encontre de l'Iran et de la Syrie, reprises en écho par son gendarme régional, sont autant d'indices qui montrent que cette « théorie du fou » continue d'être utilisée par les stratèges du Pentagone et du complexe militaro-industriel. L'objectif est évident et il ne faut cesser de le rappeler : accaparer une région qui regorge de pétrole, sous le prétexte fallacieux de « combat pour la liberté ». Leur liberté ... celle du renard dans le poulailler. Le résultat en Irak est très édifiant : le chaos au quotidien suivi de son cortège de morts au sein de la population civile avec en perspective, le démembrement de ce pays. Comment dès lors ne pas comprendre la volonté déployée par la Corée du Nord et l'Iran de se doter de l'arme de dissuasion d'autant que la première a été victime, par le passé, d'une guerre barbare, et l'autre, d'un complot de la CIA contre le gouvernement du Dr Mossadegh, dont le seul tort fut d'avoir voulu, en 1953, permettre à son peuple de devenir maître de ses propres ressources naturelles ? S'il est une guerre que la presque totalité des médias a occulté, c'est bien la guerre de Corée, qui vit les Etats-Unis donner libre cours à leur folie meurtrière. Cinq années après avoir largué deux bombes atomiques sur les villes d'Hiroshima et Nagasaki, faisant d'un coup plus de 300 000 morts, les Etats-Unis s'acharnaient sauvagement sur les populations de la Corée du Nord, par des bombardements génocidaires au napalm, expérimentant cette nouvelle arme sur la population de ce petit, mais non moins courageux pays. De fin juin à octobre 1950, les B 29 déversèrent 3,2 millions de litres de napalm semant ainsi la terreur et la désolation au sein des populations civiles de nombreuses villes et villages(4). L'entrée de la Chine dans le conflit, le 16 novembre 1950, accentua l'escalade des bombardements dans le but de faire de toute la zone, située entre la frontière chinoise et le front « une étendue désertique et de terre brûlée » selon l'expression du général Mac Arthur(5)... Malgré ce déluge de fer et de feu, l'état-major US discuta de la possibilité de larguer 10 à 20 bombes atomiques sur le théâtre des opérations pour barrer la route aux troupes chinoises. Le général Mac Arthur, que nombre d'Américains considèrent comme le héros de la guerre du Pacifique, y voyait là « une occasion unique d'utiliser la bombe atomique pour frapper un grand coup »(6) et se targuait d'avoir un plan « simple comme bonjour » lui permettant de gagner la guerre en 10 jours. Il suffisait selon lui « de larguer une trentaine de bombes atomiques... en mettant le paquet le long de la frontière avec la Mandchourie... répandant derrière nous une ceinture de cobalt radioactif, dont la durée de vie active se situe entre 60 et 120 années »(7). Le général Ridgway qui prit la suite de Mac Arthur, limogé en avril 1951, réclama quant à lui la bagatelle de 38 bombes atomiques...(8) Non satisfaits d'avoir réduit en cendres la majeure partie des 22 principales villes de la Corée du Nord, y compris la capitale Pyongyang, allant même jusqu'à détruire les gigantesques barrages hydrauliques, les stratèges militaires de l'époque ont failli utiliser l'arme nucléaire pour remporter la victoire. Ces faits historiques et les deux millions de morts que fit ce conflit sont aujourd'hui oc7cultés par les « Etats-Unis d'amnésie » et la presque totalité des médias (devoir de mémoire, où es-tu ?) pour justifier, ou à tout le moins comprendre, la préoccupation majeure des dirigeants nord-coréens de se protéger par l'arme nucléaire. Les Nord-Coréens ont compris que la seule manière de tenir les Etats-Unis à distance, c'était de posséder l'arme nucléaire. C'est le seul et unique langage que comprennent les courageux stratèges du Pentagone.Il est donc clair que c'est la politique belliqueuse et irresponsable des USA et la chute du géant soviétique qui a poussé certains Etats à se doter, par tous les moyens, de l'armement nucléaire. Dans leur souci, plus que logique, de se protéger d'une superpuissance qui veut mettre toute la planète sous sa botte, ces Etats, qualifiés allégrement de « voyous », ont bien assimilé les propos de l'ancien secrétaire d'Etat à la défense US de 1961 à 1968. Ce fut en 1964, lors d'un discours prononcé à Ann Harbor, que Robert MacNamara énonça sa doctrine dite de la Mutuai Assured Destruction (MAD). Cette théorie part du principe qu'une guerre nucléaire est suicidaire pour les deux parties et aucune nation ne pourrait y survivre en tant que société civilisée. L'idée même de cet éventuel apocalypse rendrait impensable son déclenchement pour des esprits raisonnables. Cet énième R. Mac Namara a estimé que les Etats-Unis eux-mêmes, par leur tendance croissante à agir de manière unilatérale et « sans respect pour les préoccupations des autres » étaient devenus « un Etat voyou »(9). Mais la Corée du Nord est désormais une puissance nucléaire, grâce à la coopération secrète avec le Pakistan qui a fourni les centrifugeuses, et qui a reçu en contrepartie les matériels nécessaires à la fabrication de missiles balistiques. La Corée du Nord n'a désormais rien à craindre de Washington. Pas seulement à cause de la proximité de la Chine, dont la puissance montante inquiète l'Amérique, mais surtout par le fait que les dizaines de bases militaires américaines situées au Japon et en Corée du Sud sont désormais à la portée de ses missiles balistiques.
La prochaine victime, l'Iran
Selon l'Agence internationale de l'énergie, la demande en pétrole qui était de 80 millions de barils par jour en 2003 passera à environ 120 en 2020. La part du Moyen-Orient atteindra 41% dans la production contre 25% actuellement. Ce besoin de l'économie mondiale pour cette énergie vitale explique l'enjeu que constitue cette région du monde. Ceci d'autant que, d'après Nicolas Sarkis(10), les nouvelles découvertes ne compensent pas le pétrole extrait chaque année. Selon ses prévisions, la dépendance des Etats-Unis vis-à-vis du pétrole importé passera durant cette période de 55,7% à 71%, celle de l'Europe occidentale de 50,1% à 68,6% et celle de la Chine de 31,5% à 73,2%, sans parler des autres pays ! L'importance stratégique de l'Iran s'explique par la place qu'elle occupe sur l'échiquier mondial du pétrole : 4e producteur, l'Iran détient les troisièmes réserves mondiales (12%) et les deuxièmes réserves de gaz naturel après la Russie. Voici pour les enjeux.Les stratèges du Pentagone et du complexe militaro-industriel s'évertuent, avec l'aide de certains médias, à mettre sous condition l'opinion publique américaine et européenne en lui faisant croire que pèsent sur le monde de nouvelles menaces imprévisibles et multiformes que sont les armes de destruction massives, qu'elles soient de type nucléaire, chimique ou bactériologique, de la part de certains Etats. Il s'agit de mettre dans le collimateur de la communauté internationale qui se limite à celle de l'Amérique du Nord, de l'Europe et de l'Australie, des Etats qui gênent Washington et son gendarme régional au Moyen-Orient, dans son plan de domination du monde par l'occupation physique des plus grandes réserves d'hydrocarbures de la planète. Ce plan a déjà connu un début d'exécution par l'installation, prétendument provisoire, de bases militaires en Arabie Saoudite (7000 GI's) à la faveur de la guerre du Golfe en 1991 « pour la protéger contre la menace de missiles balistiques iraniens »(11), le démantèlement des moyens de défense de l'Irak et l'affaiblissement de ses forces vives par un embargo économique durant une décennie. La deuxième étape a consisté en l'occupation de l'Irak, sous le fallacieux prétexte de détention, par ce pays, d'armes de destruction massives, alors que les Etats-Unis et le Royaume Uni étaient les premiers à connaître l'état réel de décrépitude dans lequel se trouvait l'armement conventionnel irakien.La troisième étape en vue et pour laquelle le Pentagone a déjà concocté plusieurs plans, c'est la destruction du potentiel nucléaire iranien. L'exécution de cet objectif a déjà commencé avec une campagne médiatique d'intox dans certains médias occidentaux. Ces derniers ferment les yeux sur le déséquilibre engendré par l'arsenal nucléaire israélien, lui permettant de dicter sa loi à tous les pays de la région, avec la bénédiction et l'aide de son parrain américain. S'il est permis à Israël d'être et de rester la seule puissance nucléaire de la région avec un potentiel estimé par les spécialistes à environ 200 bombes atomiques, il est par contre hors de question de laisser l'Iran, ou même un autre pays de la région, se doter de cette arme de dissuasion, pour équilibrer le rapport de forces vis-à-vis de l'Etat hébreux. Le rôle de ces médias est de diaboliser l'Iran en comparant, à l'aide de raccourcis historiques mêlés de subterfuges, le pouvoir iranien au régime nazi. A titre d'exemple, le générique de la chaîne satellitaire Histoire montre à longueur de journée, et depuis des années, une association d'images prenant chacune la moitié de l'écran où l'on voit en haut le portrait de l'imam Khomeiny, porté par des femmes en tchador noir et en dessous, une troupe nazie en marche avec des croix gammées... Pour les esprits crédules et simplets, le parallèle sera vite fait ! Dans leur plan d'occupation stratégique de cette région riche en pétrole, un Iran puissance nucléaire dérangerait fortement l'Amérique et le président Bush a clairement fait savoir que le recours à la force était inéluctable en cas d'échec des négociations avec l'Europe. C'est dans ce contexte que le ministre israélien de la Défense, chargé par le parrain américain de faire monter la mayonnaise, a déclaré que « l'Iran est très près du point de non-retour, c'est-à-dire de la maîtrise de l'enrichissement de l'uranium » et que « ce programme militaire nucléaire iranien doit être stoppé dès que possible »(12). En fait Israël et les Etats-Unis sont très mal placés pour donner des leçons dans le domaine du respect des conventions internationales et des résolutions de l'ONU. Les Iraniens et le monde musulman ressentent bien l'injustice qui leur est faite car, comme l'a fait remarquer un analyste français, « dans la bataille en cours pour obtenir de Téhéran le respect du TNP, Américains et Européens manquent de capital moral »(13). L'opinion publique internationale a pu voir avec quelle célérité la Syrie a été sommée de retirer ses troupes du Liban avec menace de saisine du Conseil de sécurité. Aux pays du tiers-monde de mesurer l'indulgence et la complaisance manifestées par les USA à l'Etat d'Israël pour son occupation « des territoires... » (il faut censurer « occupés » pour ne pas être traité « d'antisémite » même si vous êtes arabe, donc sémite...) par la force depuis 1967 ! C'est cette politique du deux poids, deux mesures et l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis qui a fini par convaincre les Iraniens que seule la détention de l'arme nucléaire constituait la véritable garantie de leur sécurité. L'Amérique a semé le virus nucléaire dans la région en aidant secrètement Israël à devenir une puissance nucléaire. Elle devra souffrir de voir l'Iran se doter de cet arsenal dissuasif face à son gendarme régional qui cherche à imposer son diktat aux Etats de la région pour le compte de son parrain.
(A suivre)
Notes :
1- Noam Chomsky ds Mond Diplo août 2000, Amérique Etat voyou
2- Noam Chomskv op cit
3- Noam Chomsky op cit
4- Bruce Cumming ds North Koréa, Another Country, The New Press, New York,2004 5- Bruce Cumming op cit
6- Bruce Cumming op cit
7- Caroll Quiglay dans Tragedy and hope cité par B Cumming op cit
8- Bruce Cumming op cit
9- Flora Lewis « Some learn Power's hard lessons better than others » dans International Herald Tribune du 26 juin 2000 cité par Chomsky cit.
10 Directeur du centre d'études pétrolières et du bulletin le pétrole et le gaz arabe
11- Histoire de la III armée, citée par Steven Clemens ds Monde Diplo oct. 2001
12- cité par Reuter ds le Monde du 29 janvier 2005
13- Alain Frachon ds le Monde du 08 février 2005.


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