Commémoration en demi-teinte de la Journée mondiale de la femme rurale abritée sur le pas de porte du centre culturel Ben Badis de Constantine. Ce rendez-vous raté a été de surcroît boudé par la plus haute autorité de la wilaya qui devait l'inaugurer en grande pompe, si l'on en croit le programme concocté par la chambre d'agriculture. Organisée de concert et sur ce même lieu avec un autre événement, la Journée mondiale sur l'alimentation, cette rencontre a eu toutefois le mérite de mettre en évidence les discordances des discours officiels qui ont tendance à sacraliser le rôle prépondérant que doit jouer la femme rurale dans le développement du monde agricole rural. En opposition avec les formules alambiquées distillées en toute circonstance par le ministère de l'Agriculture et les institutions sous tutelle, la triste réalité et les carences criantes du terrain ont été dénoncées à cette occasion par celles-là mêmes qui devaient entrer de plain-pied dans le moule sur-mesure qui leur a été promis en haut lieu. Entre autres exemples illustrant cette situation, celui de Fatima mérite le détour. Cette femme rurale de 63 ans, dotée d'une énergie incroyable, revendique à cor et à cri une parcelle de terre correspondant aux 29 ha, dont elle avait la jouissance aux environs du 4e km où, nous dit-elle, elle se livrait à la culture des céréales et à l'élevage de vaches laitières et à un peu de maraîchage. « On m'a privé de cette terre en 1985 pour cause d'utilité publique et en contrepartie on m'a octroyé un lopin situé à Draâ Naga, au milieu de nulle part où même un homme n'oserait pas s'aventurer. » Au terme d'un combat de tous les jours, cette femme comme on n'en fait plus a finalement bénéficié d'une parcelle de terre au lieudit Hambli, situé dans la commune de Ben Badis, où elle s'est lancée courageusement dans la culture céréalière. Mais le plus dur restait à faire pour cette étonnante femme du terroir confrontée cette fois-ci à des blocages en tout genre. « Faute d'avoir pu honorer à temps le payement des intrants et des semences récupérées auprès de la CCLS, dira-t-elle avec indignation, j'ai dû lors de la campagne qui a suivi laissé mes terres en friche alors que j'avais sollicité un délai supplémentaire, juste le temps de récupérer la somme nécessaire. Dans de telles conditions, qu'on ne vienne pas me raconter que le développement agricole rural est tributaire aussi de la femme rurale. Je n'y crois plus, car pour une femme, il faut se battre trois fois plus pour réussir et de surcroît si elle manque de moyens. »