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La face obscure des temps héroïques
Publié dans El Watan le 20 - 10 - 2005

Les capitaines Paul Alain Léger ou autre Grazziani, pas plus que leur supérieur, le colonel Godard - tous présentés par la littérature militaire coloniale et souvent aussi par les historiens, de la guerre d'Algérie, comme des génies de la contre-guérilla - n'ont inventé l'infiltration et la manipulation dans le but de déstabiliser le camp ennemi, tactique qui déclenchera la terrible vague de « bleuite » qui a gangrené l'ALN vers la fin des années 1950.
Cette ruse de guerre avait été expérimentée avec succès par les combattants algériens particulièrement dans la Wilaya IV. Elle avait été mise au point de façon empirique par le commandant politique Omar Oussedik(1). La tactique consistait à mettre dans la poche d'un combattant tombé dans une embuscade ou un accrochage, un petit carnet dans lequel étaient inscrits des noms de collaborateurs patentés de l'ennemi pour les faire passer pour des alliés du FLN. Ainsi, en face de chaque nom était porté un acte de militantisme : X a donné une paire de pataugas ; Y a donné 2 cartouches ; un autre a remis une kachabia ; qui une grenade, et ainsi de suite. La modestie des dons crédibilisait fortement la contribution de la personne désignée aux services français. L'armée est tombée dans le panneau. Elle procédera tout comme, hélas, l'ALN ensuite, à des liquidations de nombreux goumiers et harkis qu'elle croyait impliqués dans la lutte, aux côtés du FLN. En 1957, avec la grève des huit jours, particulièrement à Alger, les services secrets français instruits de l'exemple qu'ils avaient rencontré dans la Wilaya IV vont retourner la ruse en utilisant ce qu'ils vont appeler « les bleus ». Ce nom vient du bleu de chauffe, dont les services de renseignement de l'armée française habillaient les « retournés », autrement dit les prisonniers torturés et souvent compromis, obligés de passer de l'autre côté, sous les menaces et le chantage de représailles contre leurs familles ou tout simplement rétribués en monnaie sonnante et trébuchante, pour services à rendre, la misère faisant l'essentiel du travail. Ces militants, une fois « préparés », se transformaient volontairement ou pas en de véritables bombes quand ils étaient réinjectés dans les rangs de l'ALN. Il faut préciser que souvent les « bleus » l'étaient à leur insu. L'armée française ayant perfectionné ses méthodes utilisait tous les renseignements susceptibles de mieux connaître la personnalité du sujet à retourner. Elle avait recours à toutes sortes d'artifices, et astuces tous plus tordus les uns que les autres. Confection de fausses pièces, de faux cachets, de correspondance bidouillée. L'administration étant au service exclusif de l'armée, rien n'était omis pour la constitution de dossiers les plus confidentiels possibles pour exercer toutes sortes de pressions sur les malheureux prisonniers. « Brisé, retourné ou acquis à sa nouvelle cause, il rejoint les bleus. Une fois remis en liberté il rejoint sa wilaya d'origine où on l'aide, en secret, à gravir les échelons de l'ALN »(2). La ruse opère. D'abord à Alger où l'arrestation de Ghendrich de la Région 3 (Est) va permettre à l'ennemi de détricoter pratiquement toute l'organisation, ainsi que le soutien, du moins, l'état-major du 3e RPC. « Ce sont désormais les services français qui ont pris la direction politico-militaire de la région d'Alger, et de toute une partie du maquis. Et c'est le capitaine Léger qui décide du lieu des attentats anti-français... le calme revient... l'opération Double jeu va durer six mois, six mois durant lesquels les activités terroristes des ‘‘frères d'Alger'' sont quasi nulles »(3). Lorsque la manipulation infestera les maquis, doublera d'ampleur, la Wilaya III sera la première touchée de plein fouet. D'aucuns attribuent la rapidité de l'infection aux conditions de plus en plus terribles de la guerre et au développement du meurtrier plan Challe, mis au point comme pendant au plan de Constantine, échafaudé par de Gaulle. Ce dernier était encore convaincu que « l'opium et le bâton » étaient les éléments miracles d'une potion qui nourrirait une stratégie de sortie de la guerre à moindre coût : améliorer les conditions de vie des populations indigènes, briser les maquis et ainsi démolir toute velléité d'indépendance en opérant une rupture entre le peuple et son armée. De Gaulle nourrissait, ainsi faisant, la secrète ambition de redorer le blason terni d'une armée sérieusement amochée dans les rizières du Vietnam, de plus en plus en plus impopulaire en métropole où l'on ne comprenait pas le sens de ce combat d'arrière-garde, à contre-courant de l'histoire, au service exclusif du gros colonat. Ainsi, après le démantèlement des réseaux d'Alger, la bleuite gagne les maquis. Contrairement à une idée largement répandue, il n'y aura pas que la Wilaya III et Amirouche qui en seront contaminés, même si le nom de ce prestigieux colonel, qui a marqué par sa rigueur le combat libérateur, reste indissociable de cette tragédie dont il n'a pas été le seul acteur, loin s'en faut. « En vérité, il a trouvé de nombreuses voix favorables qui l'ont encouragé dans le processus de lutte contre la bleuite. » (voir encadré). Ainsi le nom du capitaine Ahcène Mahiouz, affublé à tort ou à raison, du surnom La torture est tout aussi associé à cette pénible phase de la révolution. Le procédé était tout aussi redoutable que celui qu'avait naguère développé le commandant Omar Oussedik. Il fallait installer le doute dans le camp ennemi en dissimulant dans les vêtements de cadavres algériens des papiers compromettants. Ces corps n'étaient pas nécessairement ceux de vrais moudjahidine, mais on simulait des combats, l'essentiel est que les vrais djounoud de l'ALN les découvrent et découvrent en même temps les petits papiers cousus dans les doublures des vêtements. Instiller l'information toxique. La peur et la méfiance vont créer la paranoïa qui déchaînera l'irréparable. Selon un rapport de l'aspirant Hocine Zahouane, aujourd'hui avocat et président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), « le colonel Amirouche va réagir d'une façon brutale et spontanée, sans réflexion aucune. En confiant la direction de l'enquête, je veux dire des tortures, à un certain capitaine Ahcène, ancien collaborateur de la Gestapo, il déclenchera le système de torture le plus terrifiant que l'on n'ait jamais vu... » Le propos n'étant pas d'énumérer par le menu ni de décrire par le détail les sévices infligés aux malheureuses victimes mais selon tous les témoignages, leurs souffrances sont à la mesure d'une cruauté débridée et de la paranoïa qui s'est emparée des maquis. Le 3 août 1958, le colonel Amirouche dans une longue correspondance adressée au CCE et aux autres responsables de wilayas tirait la sonnette d'alarme après « la découverte en notre wilaya d'un vaste complot ourdi depuis de longs mois par les services secrets français contre La Révolution algérienne avec la complicité les plus divers. Ce complot d'après les renseignements que nous possédons s'étendrait à toutes les wilayas d'Algérie ; il aurait même des ramifications dans nos bases de Tunisie et du Maroc. »(4) Selon le chef de la Wilaya III, les services secrets français auraient eu recours pour l'exécution de ce « complot » aux services de « mouchards professionnels infiltrés depuis des années dans les anciennes formations politiques et de personnes apparemment honorables embrigadées sous couvert de messalisme ou autre déviationnisme ». En conclusion à son message, le colonel Amirouche remerciait Dieu vu que « tout danger est maintenant écarté, car nous avons agi très rapidement et énergiquement ». Une série de mesures avait en effet été prises, notamment « l'arrestation et le contrôle des personnes recrutées pendant les trois derniers mois ; l'arrestation des goumiers et soldats ayant ‘‘déserté'' depuis peu l'armée française... ; l'arrestation de presque tous les djounoud originaires ou venus d'Alger depuis la grève des 7 jours et l'examen de la situation de chacun d'eux ; suppression des permissions... ; suppression de toute correspondance privée... ; arrestation de tous les suspects de toute personne dénoncée de quelque grade qu'elles soient, et interrogatoire énergique de ceux dont la situation ne paraissait pas régulière »(5). Des dizaines d'officiers, des djounoud par centaines, nul n'a été épargné par la furie brutale qui s'est installée dans les maquis. Un cycle infernal qui durera près de trois ans, car il survivra à la disparition du colonel Amirouche et s'étendra comme un chancre sur le reste du pays avec plus ou moins d'excès, plus ou moins de gravité particulièrement en Wilaya IV. « Alerté à plusieurs reprises par Amirouche sur l'existence d'un complot en Wilaya IV, Si M'hamed ne prit une décision qu'à son retour de la conférence interwilayas de décembre 1958. Une commission interwilayas de sécurité était créée, dirigée par Ahcène Mahiouz. Khatib Youcef, le futur colonel Si Hassan, y figurait comme représentant de la Wilaya IV au titre de capitaine, chef de la zone 3. Si Salah était chargé avec Si Mohamed de superviser l'enquête qui allait progresser d'Est en Ouest. Parmi les premiers suspects figure le lieutenant Khaled commissaire politique de la zone 3, ancien étudiant », témoigne Mohamed Téguia(6).
Notes
1- Cdt Azzedine. On nous appelait fellaghas. Stock. Paris 1976. 2- Jean-Paul Mari, Il faut abattre la lune. Extraits recueillis d'Internet 3- Op.cit. 4- M.Habi / G.Meynier, Le FLN documents et Histoire. Casbah Ed. Alger 2004. 5- Op.cit. 6- M. Téguia. L'armée de Libération nationale en Wilaya IV. Casbah Ed. Alger 2002.
- Prochain article : La Gangrène.


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