Reda Ouarab avait du mal à annoncer la nouvelle, hier au journal de 7h de la Chaîne III de la Radio nationale : «Ghania Cherif est décédée.» Sa voix était nouée par l'émotion, tout comme celle de la présentatrice du journal de 10h. L'équipe de la Chaîne III était depuis plus de deux semaines très inquiète de l'état de santé de Ghania, après son hospitalisation suite à une maladie grave. Seulement, ses amis et collègues avaient espoir. Espoir de revoir Ghania parmi eux, comme en 2003. Mais cette fois non, la mort a eu raison d'elle. Ghania l'affable, la généreuse, la souriante est partie en silence. Ghania Mekhoukh (de son vrai nom) est décédée dans la nuit de lundi à mardi à l'hôpitâl Mustapha Pacha, à Alger. Elle a brusquement succombé, selon le témoignage de sa famille, au quatrième jour d'une chimiothérapie en réponse à une rechute d'une leucémie dont elle s'était rétablie une première fois, en 2003. Ravie trop jeune, à l'âge de 43 ans, à l'affection de sa famille et de ses confrères, Ghania Cherif était connue pour sa prédilection pour le débat et l'échange d'idées. Très ému, son collègue Mustapha Abdasadouk évoque le sérieux dont elle a fait preuve durant tout sa carrière. Elle était, selon Mustapha, une journaliste très appliquée, compétente. Elle a encadré et aidé beaucoup de jeunes. Elle était humaine. De l'avis de sa famille et de ses confrères, Ghania était l'une des professionnelles les plus connues et respectées de l'audiovisuel national. Elle a été, durant ses vingt ans d'exercice à la radio, un grand témoin de l'histoire politique de son pays, animant reportages, talk-shows et émissions spécialisées en relation avec l'actualité souvent tourmentée de ces années-là. Ghania a touché à tous les secteurs : économie, social et politique. Elle a eu à animer plusieurs émissions, dont «L'invité de la rédaction» que présente aujourd'hui Souhila El Hachemi, «En direct du Parlement», et la dernière, «En toute franchise». Sa parfaite maîtrise de l'actualité nationale, son sens de l'observation et sa capacité d'interprétation lui valaient le respect de ses invités qu'elle ne ménageait guère. La défunte a eu également à organiser des débats sur la question du Sahara occidental. Ghania Cherif, qui était rédactrice en chef spécialisée, a accompli toute sa carrière à la radio, qu'elle a rejoint en 1991 après l'obtention d'une licence en lettres françaises. La mort de Ghania — elle laisse une fille de 12 ans — intervient un peu plus d'une année après le décès de deux autres journalistes de la Chaîne III, Meriem Yacine et Mohand Saou. Ghania était également une citoyenne engagée dans tous les combats. Selon le témoignage de sa famille, elle a conduit, bien avant l'ouverture politique d'octobre 1988, des luttes syndicales et milité pour les droits des femmes, pour les libertés démocratiques. Elle a, en somme, défendu le projet d'une société juste et égalitaire ; elle a soutenu les travailleurs ; elle s'est beaucoup impliquée dans les initiatives de sa corporation en participant à la création du SNJA. Ghania aimait son métier, elle connaissait parfaitement les pratiques journalistiques et ses écrits en sont la preuve incontestable. Elle a lutté courageusement contre la maladie. Elle a repris ses activités à la radio aussitôt après sa rémission, en 2004, et a, par son dévouement à son métier et sa remarquable compétence de s'entretenir avec les invités, permis à la chétive vie politique de continuer d'avoir un écho sur les ondes de la radio. La Chaîne III perd ainsi une grande professionnelle qui avait mis son talent et ses capacités au service de son métier. Dans un message à son époux, Nacer Mehal, le ministre de la Communication, salue «le parcours exceptionnel et dense de la défunte. Un parcours marqué par la passion du métier de journaliste au sein de la grande famille de la radio, où la défunte avait beaucoup apporté, avec énergie et courage». Pour ses consœurs et confrères, écrit M. Mehal, «Ghania Cherif a été un symbole de réussite qui expliquait le respect et la considération dont elle jouissait».