En visite de travail en France depuis le 25 août, après s'être rendu au Maroc et en Tunisie, le secrétaire d'Etat chargé de la Communauté nationale à l'étranger veut travailler «par touche», de «façon pragmatique» et se garder de faire de «l'affichage» et de «fausses promesses». Paris. De notre bureau Créé par décret présidentiel en septembre 2009, le Conseil consultatif de la communauté nationale à l'étranger n'est plus à l'ordre du jour. C'est encore un projet, a annoncé Halim Benatallah, le nouveau secrétaire d'Etat chargé de la communauté nationale à l'étranger, lors d'un iftar-débat organisé, dimanche dernier, à l'initiative du consul général de Paris, Abderrahmane Meziane Cherif. Tel qu'il est configuré, cet organe «ne fait pas consensus», «il y a eu des contributions, je me garde de fixer un timing», a ajouté Halim Benatallah, soulignant qu'il attend de terminer ses prises de contact sur le terrain pour le relancer. «Quand vous dites que c'est un projet, je m'inquiète. A quoi servent les lois si elles deviennent des projets, un Etat sans loi n'est pas un Etat. Il faut nous donner une réponse, peut-être pas maintenant. Ce décret, soit on l'applique, soit on dit qu'on s'est trompé, mais il faut le dire. On est ouvert aux explications, on n'est pas que dans la revendication», l'interpelle la secrétaire générale de l'Espace franco-algérien, Chafia Mentalechta, et d'ajouter : «On voudrait aborder votre mandat dans la transparence, essayer de trouver un mode de communication.» Pour Halim Benatallah : «Ce n'est pas le moment d'afficher des ambitions avant de prendre la mesure des attentes, des frustrations, des rancœurs.» «Il est prématuré d'établir un programme sans avoir procédé à une radioscopie sur le terrain permettant de prendre la mesure des problèmes, défendre les droits économiques et sociaux des nationaux.» Les «priorités», pour les prochains mois, «doivent venir du terrain plutôt qu'élaborées en cercle fermé de façon bureaucratique». Et de souligner l'absence d'organisation de la communauté. «Cette faiblesse organisationnelle est exploitée dans plusieurs pays.» A cela il y a une «responsabilité de l'Etat, mais une seule main n'applaudit pas». «Il y a une demande d'Etat, mais l'Etat doit savoir ce qu'il doit faire». Le ministre a toutefois avancé comme première priorité, voire urgence, en indiquant qu'il se base sur l'écoute d'une centaine d'associations et de visites de mosquées (lors de son déplacement à Marseille le 25 août), celle qui a trait au culte et à son organisation. Aussi, l'essentiel des échanges a porté sur la question cultuelle, nombre d'intervenants ont dénoncé «l'incurie» de la Fédération de la Mosquée de Paris et «l'indigence» de ses dirigeants. «Pour nous, la Mosquée de Paris doit être un phare, c'est tout sauf une mosquée. Si nous voulons que le culte fonctionne, il faut changer les dirigeants de la Mosquée de Paris. Je suggère des états généraux afin de désigner des gens compétents pour diriger le culte», a avancé le recteur de la Mosquée Myrra. Un autre intervenant, orthopédiste de son état et vice-président de la Fédération régionale de la Grande Mosquée de Paris, le docteur Mohamed Khodja, propose un état des lieux du culte et de dénoncer «l'absence d'orientation claire des institutions qui nous représentent». «L'indigence» de la Mosquée de Paris Quant à Dahmane Abderrahmane (conseiller de Nicolas Sarkozy pour les Affaires maghrébines), de pointer la «responsabilité des gouvernants qui n'ont pas voulu changer les dirigeants de la Mosquée de Paris» et de soutenir, de manière générale que «c'est à Alger que la situation doit se clarifier». «Les Algériens de France et les binationaux sont capables de prendre leur destinée en main. La communauté algérienne a ses élites. Il est temps de souligner aussi leurs succès», a souligné Ghaleb Bencheikh. Et à l'adresse du ministre qui avait parlé de «réseaux d'influence» dans une interview à El Watan Week-end, «moi je parle de groupes de pression. Nous devons nous en donner les moyens». Concernant la question cultuelle des Algériens en France, Ghaleb Bencheikh estime qu'«il ne s'agit pas de demander à l'Etat algérien de faire une captation des consciences. Nous ne comprenons pas une situation qui a assez duré, nous souffrons d'une incurie organique. La communauté algérienne reste la charpente de la communauté musulmane en France et elle ne doit pas subir les indigences morales, intellectuelles» des dirigeants cultuels… «Il est temps de montrer que nous sommes capables d'être pourvoyeurs d'un Islam de lumière et de beauté». «Ne faisons pas du culte la question prégnante de l'immigration en France. Ne segmentons pas les questions. L'immigration a changé de nature, nous avons les moyens d'agir», intervient le président de l'Espace franco-algérien, Akli Mellouli. Et de faire référence à la force que constituent les élus d'origine algérienne – plus de 3000. Il propose d'aider les associations qui travaillent sur l'histoire et la mémoire. «Nous, en France, nous n'avons pas appris l'histoire qui nous construit et nous compose.» Chafia Mentalechta revient sur la question cultuelle. «La Mosquée de Paris est censée être un fleuron de l'Algérie. Il est de sa responsabilité pour que les jeunes ne soient pas embrigadés par les barbus. La Mosquée de Paris n'est pas aidante.» Et de rappeler : «Nous sommes dans un pays laïque, nous revendiquons la laïcité et nous tenons à rester dans une philosophie, d'intellectuels laïques.» Autre question, celle des biens de l'Etat algérien : 40 domaines ont été cités, des biens immobiliers accaparés par des tiers, comme ce domaine près de Marseille occupé par une association de pieds-noirs ou le cercle Ben Badis de la rue Saint-Jacques à Paris transformé en galerie. A noter que le secrétaire d'Etat chargé de la communauté nationale à l'étranger poursuivra sa tournée en France jusqu'au 2 septembre par des rencontres avec des membres de cette communauté à Nanterre, Bobigny, Vitry, à la Mosquée de Paris et par des réunions d'évaluation avec les consuls généraux et consuls de la région parisienne, du Centre et du Nord.