Troisième voyage en France pour le secrétaire d'Etat chargé de la Communauté nationale à l'étranger en huit mois. Tout comme le premier en plein Ramadhan, le dernier déplacement intervenu jeudi a été largement consacré à la question du culte. Halim Benatallah est arrivé dans une France plongée dans un indésirable débat sur l'islam, poliment rebaptisé sur la laïcité après les nausées que son annonce a provoquées. Dans ce climat qui laisse craindre de mauvais jours pour les musulmans devenus trop nombreux dans l'Hexagone, selon le sous-entendu de Claude Guéant, la Grande Mosquée de Paris est appelée à jouer un rôle important pour que cessent les stigmatisations par des dirigeants politiques qui ont décidé de faire de l'islam un sujet majeur de la campagne électorale. La droite extrême est désormais concurrencée par la droite populaire sur ces thèmes qui sentent le souffre. Mais la vénérable institution historiquement liée à l'Algérie semble bien en peine. Avec un souffle spirituel déjà diminué, elle n'a pas les ressources nécessaires à la mission qu'on veut lui confier. Après le réquisitoire dressé en août dernier sous ses propres yeux, M. Benatallah a pu encore observer le désamour entre la communauté nationale en France et l'institution dirigée par Dalil Boubakeur. À cause du rayonnement qu'elle peut avoir, la Grande Mosquée, édifiée en 1926 en hommage aux musulmans morts pour la France lors de la Première Guerre mondiale, est convoitée par les autorités marocaines qui n'hésitent pas à subventionner les associations cultuelles acquises à leur influence. Elles mènent un activisme qui risque de rendre vain les efforts algériens qui se traduisent notamment par un envoi d'imams. Même cette contribution ne trouve pas grâce aux yeux des Algériens puisque ces religieux, sans maîtrise du français, ne sont pas préparés à officier devant un public jeune, éduqué dans le culte de la laïcité. Du coup, la Mosquée de Paris n'exerce pas son influence sur les émigrés de la dernière génération plus sensibles au discours de Tariq Ramadan. Malgré les attaques de grands intellectuels français qui le visent, le petit-fils de Hassan Al-Bana exerce une attraction sur les jeunes musulmans qu'on peut déplorer mais qu'on ne peut pas nier. Son débat avec Eric Zemmour a fait le miel de ses admirateurs, nombreux parmi les jeunes Algériens de toutes les catégories. C'est dire le défi qui attend M. Benatallah. “Le temps de l'écoute est fini, place maintenant aux décisions”, a-t-il dit, annonçant pour le mois de juin un congrès des associations cultuelles algériennes, un rassemblement qui sera élargi à l'ensemble des représentants d'associations cultuelles établies en Europe. La communauté nationale en France “doit donner une image de rassemblement, d'unité et de présence positive”, a espéré M. Benatallah à l'issue de sa tournée. “La relation de confiance avec la Grande Mosquée de Paris, son rôle et son rayonnement en France et en Europe, sont un atout important à mettre au bénéfice” de cette communauté, a-t-il dit. “Ce projet sur lequel nous travaillons aura une dimension européenne et sera, à son tour, un point de départ pour d'autres initiatives de ce type avec les différentes compétences et catégories socioprofessionnelles, de manière à créer une série de réseaux de solidarité et d'entraide au sein de la communauté algérienne à l'étranger”, a expliqué M. Benatallah. De son côté, Dalil Boubakeur a tenté de minimiser les problèmes. Il a estimé que le rassemblement des expressions variées des musulmans d'origine algérienne en France “permettra de comprendre que les vieilles visions discordantes et injustes nous concernant n'étaient qu'une illusion et qu'en réalité il y a un lien fédérateur identitaire au sein de la communauté algérienne”. A. O.