Situé à un jet de pierres du chef-lieu de daïra, ce village n'est considéré selon ses habitants ni comme un quartier du chef lieu, encore moins comme un village à part entière. Depuis sa reconstruction au lendemain de l'Indépendance, trop peu d'efforts ont été consentis par les autorités envers notre village». Les doyens du village Adwekkar qui nous ont reçus à la place de la djemââ étaient unanimes à dire leur désillusion face à l'erratique évolution subie par leur village. Au commencement, la procédure d'expropriation a touché tout le village et les terrains qui en dépendent, à la fin du 18ème siècle. Après l'échec de l'insurrection de 1871, le village placé sous séquestre est passé aux mains d'un colon nommé Tessère. Ce n'est qu'en 1926 que le village est revenu au siens par acte notarial collectif signé entre le colon et les habitants du village. Cette dépossession, qui a causé à l'époque la ruine de la communauté en dispersant ses membres et en les poussant à l'errance (certains se sont installés dans les environs de Zekri), continue aujourd'hui encore à prolonger ses effets néfastes. Selon les villageois, la procédure d'accès aux aides à la construction des logements ruraux est devenue tellement scabreuse, à cause de l'acte de réappropriation collectif enregistré en 1926 que quasiment aucun habitant n'en a bénéficié à ce jour. De ce fait, faire le cadastre et délivrer des actes de propriétés aux membres de la communauté est une des mesures urgentes que le village souhaite voir concrétisée rapidement pour mettre un terme à un déni qui n'a que trop duré. Les stigmates laissés par la colonisation sont encore vivaces et les dures épreuves vécues par le village sont convoquées à l'occasion comme autant d'arguments au droit au développement. «Notre village pilonné en 1956 a été totalement détruit. Et, en une journée, en juin 1956, si mes souvenirs sont bons, onze habitants du village ont été exécutés par l'armée d'occupation» atteste dans ce cadre un vieux du village, témoin du drame. Adwekkar, dont le nom francisé est Adekar, s'étale, selon les estimations des villageois, sur une superficie d'environ 250 hectares. Situé à un jet de pierres du chef-lieu de daïra, il n'est considéré selon ses habitants ni comme un quartier du chef lieu, encore moins comme un village à part entière. «On souffre énormément de cette situation. Notre souhait, c'est de voir notre village annexé entièrement au chef lieu et bénéficier de projets au même titre que toutes les extensions du chef-lieu» indique dans ce sens un des villageois. Ayant donné son nom au chef-lieu de commune et de daïra, ce village tente tant bien que mal de sortir de l'isolement. Voulant montrer leur bonne foi et leur disponibilité à participer de façon active à l'effort de développement, les villageois ont remis au goût du jour les actions de volontariat. «En collaboration avec l'APC qui nous approvisionne en matériaux de construction, nous sommes en train de bétonner les ruelles du village et de créer quelques pistes pour désenclaver certaines parties du village» nous déclare Harwanine Mahmoud, le chef du village. Entre exode et volonté de peupler les lieux, les fils du village se montrent perplexes : «Nous voulons nous fixer ici, mais on souffre de beaucoup de manque» nous déclare un autre villageois. A titre d'exemple, les nouvelles constructions qui ont vu le jour depuis le début des années 2000 ne sont pas encore raccordées ni au réseau d'électricité ni à celui d'assainissement. Dilemme cornélien pour les habitants qui ne savent quelle attitude adopter, investir dans leur terre natale ou aller s'installer ailleurs. Electrification, assainissement, eau potable, pistes agricoles, glissement de terrains…les sempiternelles requêtes des villages kabyles sont citées ici pour dire la peine à vivre. Entre grondement de colère et patience, entre attente et espoir, les villageois attendent péniblement que le soleil des autorités brille sur leur village.