Tout ou presque avait été dit sur la Syrie et sur ce qui en était attendu du Conseil de sécurité décidément sollicitée au cas par cas dans la gestion des affaires internationales. Là est une autre question. Celle qui était traitée hier par l'instance onusienne revêtait quant à elle un caractère d'urgence, car il y avait une enquête, des conclusions qui ne sont pas définitives, et des décisions à prendre. Mais tout depuis la publication du rapport de la Commission internationale chargée d'enquêter sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, jeudi dernier, prenait le chemin de Damas. Mais en plus dramatique ou qui risque de l'être. Et depuis ce jour, malgré les dénégations syriennes, les fuites organisées et la forte suspicion envers un témoin qualifié de clé de l'accusation, rien n'y fait. Comme le veut la règle, le chef de la mission d'enquête, le magistrat allemand Detlev Mehlis a présenté son rapport. Il a été suivi par des interventions syrienne et libanaise puisque concernées par le rapport. Rappelons que la commission d'enquête, créée dans le cadre de la résolution 1559 du Conseil de sécurité, avait pour mission de soutenir les autorités libanaises dans leur travail d'investigation. Des pistes ont été établies, et il revient donc à ces dernières de les explorer. Et depuis la publication du rapport, la Syrie est pressée d'y collaborer d'autant des noms de responsables parmi les plus hauts du régime ont été donnés. Mais jusqu'à hier, aucun projet de résolution n'était soumis bien que tout semble indiquer qu'un vote pourrait avoir lieu d'ici le 31 octobre, cette date étant retenue pour diverses considérations. Avant même cette réunion, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice faisait savoir que Washington envisageait de demander des comptes à Damas devant l'ONU et pas seulement à propos de l'assassinat de Rafic Hariri. Mme Rice a précisé que les Etats-Unis avaient de nombreuses questions concernant la Syrie et que Washington était prêt à les examiner une par une. « Si on veut que l'on examine les sujets concernant la Syrie un par un, c'est bon. On peut le faire », a-t-elle dit. De son côté, le président George W. Bush a « espéré » lundi dernier qu'il n'y aurait pas de confrontation avec la Syrie après les résultats de l'enquête Melhis montrant une implication de ce pays. Personne ne veut une confrontation. Condoleezza Rice « est toujours en consultation avec les Français pour être sûrs que nous avons un message commun », a ajouté le président américain. Et de souligner que lors du passage de la résolution 1559, « il y a eu un message clair résultant de la coopération entre le gouvernement américain, les Français et beaucoup d'autres gouvernements ». Le recours à la force militaire « est la dernière, toute dernière option », a-t-il dit. « Aucun commandant en chef n'aime engager les militaires, et je ne l'aime pas non plus », a-t-il dit. Ce qui veut dire qu'elle n'est pas exclue. Le mandat de la commission Mehlis a été prolongé jusqu'au 15 décembre, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, y ayant donné son feu vert dans une lettre accompagnant le rapport Mehlis lors de sa transmission au Conseil jeudi. Selon une source diplomatique à l'ONU, Washington, Londres et Paris, tenants d'une réaction de fermeté au rapport Mehlis, souhaiteraient aboutir à un accord sur un texte avant le 1er novembre, date à laquelle la Russie doit prendre la présidence tournante du Conseil pour un mois. La France a souhaité une résolution de l'ONU pour « exiger » la coopération de la Syrie, mais qui laisserait à Damas une dernière chance avant de possibles sanctions, envisagées par Washington. Mais le Premier ministre britannique, Tony Blair, a refusé d'exclure la prise de sanctions contre la Syrie, insistant sur la gravité des faits allégués. Enfin, le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Bernard Bot, a indiqué à Washington que les Pays-Bas seraient prêts à accueillir un procès international pour juger les suspects dans l'affaire Hariri. Le rapport de M. Mehlis a mis en cause de hauts responsables des services de sécurité syriens et libanais dans l'assassinat de Rafic Hariri. Selon lui, il existe des « preuves convergentes » montrant l'implication de responsables libanais et syriens dans cet « acte terroriste ». A l'issue de la séance d'hier, les quinze membres du Conseil de sécurité ont engagé des consultations. L'enquête quant à elle doit se poursuivre. Une première arrestation a eu lieu après la publication du rapport Mehlis. Que fera la Syrie qui s'est engagée à coopérer avec les Nations unies ?