Le Conseil se donne le temps au moins jusqu'au 15 décembre prochain date à laquelle expire le mandat déjà prolongé de la commission internationale d'enquête sur l'assassinat, le 4 février dernier à Beyrouth, de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. Rien, en effet, n'a été décidé à l'encontre de la Syrie, pour l'instant dira-t-on, d'autant que ce pays a montré des signes évidents de bonne volonté en ce qui concerne le travail d'investigation dont les premières conclusions ont mis en cause ses services de sécurité et des personnages-clés du régime comme le propre frère du chef de l'Etat syrien et le tout puissant chef des services de sécurité (voir encadré). Pour ainsi dire, c'est la montée en cadence des pressions internationales sur la Syrie, sommée hier de coopérer, ou plus clairement de collaborer à l'enquête, avec cette tâche toute particulière de prouver son innocence. Réuni au niveau ministériel, ce qui n'est pas un privilège il faut bien en convenir, le Conseil de sécurité a adopté hier, à l'unanimité de ses quinze membres, une résolution sommant la Syrie de coopérer à l'enquête. Dans un récent rapport, la commission d'enquête dirigée par le magistrat allemand Detlev Mehlis a conclu à l'existence de « preuves convergentes » de l'implication des services de sécurité syriens et libanais dans l'assassinat et affirmé que Damas n'avait pas coopéré à ses investigations. Résultat de près d'une semaine de tractations et comme pour ne pas précipiter le cours des événements et éviter le moindre veto, ou un rejet à la majorité des voix, cette résolution, numérotée 1636, ne contient pas de menace claire de sanctions à l'égard de la Syrie si elle ne coopérait pas. Elle se contente de mentionner qu'en pareil cas, le Conseil « pourra, si nécessaire, envisager d'autres mesures ». Le préambule de la résolution signale toutefois que le Conseil agit « aux termes de l'article VII de la Charte ». Ce chapitre concerne « l'action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression ». C'est celui sur lequel se base le Conseil pour prendre des sanctions, voire pour aller plus loin avec un possible recours à la force. Le texte, qui contenait initialement une menace implicite d'un recours à des sanctions économiques ou diplomatiques à l'égard de Damas, a été édulcoré par ses trois parrains (Etats-Unis, France et Grande-Bretagne) pour obtenir l'unanimité du Conseil, notamment l'assentiment de la Chine, de la Russie et de l'Algérie, hostiles par principe au recours à la menace de sanctions. Un paragraphe a été ajouté en dernière minute déclarant que le Conseil « prend note de la récente déclaration par la Syrie de son intention de coopérer désormais avec la commission et attend d'elle qu'elle honore pleinement cet engagement ». « En adoptant cette résolution, nous avons dit clairement à la Syrie que la non-satisfaction de ses exigences entraînerait de sérieuses conséquences de la part de la communauté internationale », a déclaré la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice. « Nous démontrons aujourd'hui que la Syrie s'est isolée de la communauté internationale par ses fausses déclarations, son ingérence dans les affaires de ses voisins et son comportement déstabilisateur dans le Proche-Orient », a-t-elle ajouté. « Maintenant, son gouvernement doit prendre la décision stratégique d'un changement fondamental de comportement », a-t-elle lancé. Les menaces de Condoleezza Rice En ce qui concerne son contenu, la résolution impose à la Syrie d'arrêter tout responsable ou citoyen ordinaire syrien que la commission d'enquête pourrait soupçonner d'être impliqué dans l'assassinat et de le mettre à la disposition de la commission. Elle donne également toute latitude à la commission pour décider du lieu et des conditions d'interrogatoire des personnes qu'elle juge utile d'interroger. C'est justement ce qu'appréhendait la Syrie qui mettait en avant la question de souveraineté. Il est vrai que le président Bachar El Assad a assoupli cette position en laissant ouverte la possibilité d'inculpation de toute personne quelle qu'elle soit sans dire s'il était possible ou envisageable de laisser les personnes en question répondre aux sollicitations de la commission là où et dans les conditions, c'est-à-dire sans témoin officiel syrien, que la commission décidera elle-même. La résolution impose enfin, sous certaines conditions, des sanctions individuelles - gel d'avoirs financiers à l'étranger et interdiction de voyager - contre les personnes qui auront été désignées comme suspectes d'implication dans l'assassinat par la commission. Le Conseil prend toutefois soin de préciser que ces sanctions sont prises « sans préjudice de la détermination finale par la justice de la culpabilité ou non » des personnes visées. La résolution ne s'empêche pas d'aller bien au-delà de l'assassinat et de l'enquête, puisqu'elle aborde le volet des relations entre la Syrie et le Liban supposées réglées ou en voie de l'être par l'application de la résolution 1559 de septembre 2004, c'est-à-dire antérieure de six mois à l'assassinat. Elle « insiste, en effet, pour que la Syrie ne s'ingère pas dans les affaires intérieures du Liban, directement ou indirectement, s'abstienne de toute tentative de le déstabiliser et respecte scrupuleusement sa souveraineté, son intégrité territoriale, son unité et son indépendance politique ». Un tel rajout est sans rapport avec l'assassinat, mais il reste lié à la 1559. La résolution ratisse large et même très large en ne laissant rien au hasard. Mais y'en a-t-il vraiment à ce niveau des relations internationales ?