La Syrie et l'Iran sont sollicités, peut-être de manière indirecte, afin d'aider à un règlement du conflit libanais. Mais quelle qu'elle soit, la formule renferme une ambivalence, sinon un piège après toutes les accusations portées contre ces deux pays. A l'endroit du premier au sujet duquel il se dit qu'il garde une forte influence au Liban même après avoir retiré son armée du Liban. Ou encore de Téhéran, objet d'une campagne au sein du Conseil de sécurité, mais dont on dit qu'il arme et encadre le Hezbollah libanais. On se rappelle qu'en marge du sommet du G8, le président américain s'était laissé aller à quelques confidences à son allié britannique, laissant clairement entendre que la Syrie allait être sollicitée pour aider à la fin de cette guerre. Cette fois, les analystes sont catégoriques : un règlement durable au moins dans le dossier libanais ne peut se faire sans le soutien diplomatique de la Syrie qui, de leur point de vue, garde une influence considérable au Liban par l'intermédiaire du Hezbollah. L'autre approche Damas veut un arrêt immédiat des bombardements israéliens, préalable à toute négociation entre les belligérants pour montrer qu'il pèse toujours au pays du Cèdre. C'est ce qu'estime le chercheur américain Joshua Landis, spécialiste de la Syrie. « La Syrie a été chassée du Liban par les Etats-Unis. Afin de préserver son influence dans le pays, elle a soutenu le Hezbollah », a-t-il affirmé. Maintenant, selon lui, elle veut participer à une solution diplomatique de la crise. « En étant partie prenante à une trêve, la Syrie remplira, en quelque sorte, le vide par son propre poids diplomatique », a-t-il ajouté. Dans son dernier rapport, le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG), basé à Bruxelles, appelle les Occidentaux à « réintégrer la Syrie dans l'équation régionale (...) en contrepartie de son engagement à mettre un terme aux efforts de déstabilisation du Liban et à soutenir le désarmement par étapes du Hezbollah ». « C'est risqué de contourner la Syrie à tout prix », renchérit un diplomate occidental sous le couvert de l'anonymat, en conseillant de « faire un pas » vers ce pays. Or cela ne semble pas être la tactique des puissances internationales qui ont ignoré la Syrie dans leurs tractations pour mettre fin à la crise. Ou qui cherchent à effacer toute trace de cette influence, comme si cela pouvait se faire par décret, et même une résolution du Conseil de sécurité, la 1559 en l'occurrence. Cela traduira une autre approche, tranchant avec les accusations et les menaces, pour que la Syrie retire son soutien au Hezbollah. Le président américain George W. Bush et le Premier ministre britannique Tony Blair ont prévenu le 28 juillet l'Iran et la Syrie qu'ils encouraient le « risque de confrontation croissante » s'ils refusaient de jouer un rôle constructif au Proche-Orient. Le président français Jacques Chirac a écarté tout contact avec le régime de Damas. Il a même sommé la Syrie de ne pas chercher à se venger du Liban. Cela risque d'être très dangereux pour elle. Pourtant, Damas s'est dit disposé à coopérer en faveur d'une solution à la crise. Regain de réalisme Concernant la demande de la Maison-Blanche pour que le président Bachar Al Assad ordonne au Hezbollah d'arrêter ses attaques contre Israël, l'ambassadeur syrien aux Etats-Unis dira que son pays est prêt et est capable de jouer un rôle constructif dans l'instauration d'une paix durable dans la région, mais pas d'une manière aussi simpliste, parce qu'elle n'a aucun moyen d'influer sur la résistance libanaise. Il est à rappeler que le département d'Etat américain, dans son dernier rapport sur le terrorisme, publié en avril 2006, à Washington, considère la Syrie comme le pourvoyeur du Hezbollah et des organisations de la résistance palestinienne. En ce qui concerne l'Iran, le propos ne peut être plus direct. « Dans la région, il y a un grand pays comme l'Iran qui est respecté et qui joue un rôle important de stabilisation de la région », a déclaré, hier à Beyrouth, le ministre français des Affaires étrangères. Ou encore que l'Iran « doit participer à la recherche d'une solution » à cette guerre. Le ministre français a tenu ces propos alors que le chef de la diplomatie iranienne Manouchehr Mottaki devait rencontrer hier les dirigeants libanais. Tout comme la Syrie, l'Iran est accusé de soutenir militairement et financièrement le Hezbollah. Mais de tels propos interviennent aussi à l'approche d'un vote du Conseil de sécurité d'une résolution imposant des sanctions diplomatiques et économiques à l'Iran pour l'amener à renoncer à son programme nucléaire. On peut considérer que les occidentaux ont décidé de reconsidérer leur position, en rappelant que le fait n'est pas inédit. Les Américains avaient en ce sens envisagé l'aide de l'Iran pour aider au règlement du conflit irakien dans son volet interéthnique. Mais dans tous les cas de figure, des analyses ont brillé par leur légèreté, conduisant à des situations erronées, mais dangereuses. Ce qui explique ce regain de réalisme. Mais l'approche en question ne vaut encore une fois que par rapport à un seul fait. C'est Israël qui affirme depuis des semaines que « les choses ont changé au Proche-Orient ». On sait ce qu'il en a été.