Même en Flandre, seuls 15% des personnes interrogées se prononcent en faveur de l'éclatement du pays. L'impossibilité de former un gouvernement en Belgique et les divergences croissantes entre Flamands et francophones ont fait ressurgir l'hypothèse d'une scission du royaume, mais ce scénario comporte de nombreux obstacles juridiques et économiques, estiment des experts. Le chef des socialistes francophones, Elio Di Rupo, a renoncé dimanche à former une coalition gouvernementale faute d'accord avec deux partis flamands sur l'avenir du pays. Plusieurs responsables francophones, essentiellement socialistes, ont dans la foulée évoqué un «plan B», qui verrait la Flandre (nord, néerlandophone) quitter le giron belge et les francophones (Sud) prendre leur destin en main. «Parmi une grande partie de la population flamande, c'est un vœu, donc, oui, il faut se préparer à la fin de la Belgique», a notamment déclaré la ministre de la Santé, Laurette Onkelinx. Le député français de droite, Nicolas Dupont-Aignan, a même estimé lundi que la France devait «se préparer à accueillir ses compatriotes wallons et bruxellois». Toutefois, le scénario de la scission est rejeté par 57% de Belges, contre 14% qui y sont favorables, selon un sondage publié par le quotidien la Libre Belgique. Même en Flandre, seuls 15% des personnes interrogées se prononcent en faveur de l'éclatement du pays. Les experts estiment qu'une séparation serait lourde de conséquences en raison de l'interdépendance de la Flandre (6 millions d'habitants), de la Wallonie (francophone, 3,5 millions d'habitants) et de Bruxelles (1 million d'habitants). «Les Wallons seront ceux qui perdront le plus parce qu'ils sont les plus pauvres», estime l'économiste Robert Deschamps, qui relève toutefois que toutes les régions en pâtiraient. Le sort de Bruxelles est également un frein majeur au divorce des Belges. La capitale est en effet peuplée à plus de 90% par des francophones mais elle est géographiquement enclavée dans la Flandre, rendant hypothétique l'existence d'un Etat francophone Wallonie-Bruxelles, qu'il soit indépendant ou rattaché à la France. La Flandre n'est par ailleurs pas prête à laisser Bruxelles, poumon économique du pays, aux seuls francophones. Une scission du pays nécessiterait en outre un partage de la dette publique belge. Celle-ci, de 330 milliards d'euros, risque encore de s'alourdir en raison de la hausse prévisible des taux d'intérêt qui seraient appliqués aux nouveaux Etats pour la financer. Les obligations belges sont d'ailleurs déjà sous pression. L'établissement de nouvelles frontières serait également un vrai casse-tête, notamment dans la banlieue de Bruxelles située en Flandre, où vivent plus de 100 000 francophones. Quant aux entreprises, elles seraient confrontées à des législations différentes, ce qui pèserait sur l'emploi. Politiquement, la scission de la Belgique aurait un retentissement beaucoup plus grand sur la construction européenne dans son ensemble – un projet qui ambitionne précisément de réunir des peuples différents – que la partition de la République tchèque et de la Slovaquie en 1993. Le royaume, qui accueille le siège des institutions de l'UE, est l'un des membres fondateurs de l'Union. Une dissolution de la Belgique embarrasserait en outre des pays comme le Royaume-Uni ou l'Espagne, dont certaines régions réclament aussi plus d'autonomie, voire l'indépendance. Selon certains juristes, si la Flandre prenait seule son envol, elle devrait renégocier son adhésion à l'UE, à l'ONU et à la zone euro, tandis que la Belgique «résiduelle» (francophone) en serait membre de droit. Sauf si la Wallonie repartait sur les bases d'un nouvel Etat.