Décrocher le bac n'est plus un passeport apte à ouvrir, sans conditions, aux candidats reçus toutes les portes des filières de l'enseignement universitaire correspondant à la formation de chacun. L'inscription à certaines filières est rigoureusement subordonnée à l'obtention de notes et de moyennes d'excellence. Seuls les bacheliers avec mention spéciale auront le loisir d'opter pour la formation de leur choix. Pour le reste, ils devront se contenter des spécialités offertes qui ne répondent pas toujours aux vœux des étudiants. La majorité d'entre eux ne pourront jamais réaliser le rêve d'embrasser la carrière qu'ils auraient souhaité poursuivre. Certes, l'université algérienne n'innove rien en la matière. Toutes les universités dignes de ce nom, de par le monde, recourent au système de l'orientation universitaire pour réguler les flux des nouveaux effectifs universitaires en fonction de critères pédagogiques (disponibilités des places et mérite) et des besoins du marché du travail. C'est une nécessité à la fois pédagogique et économique. Mais ces exigences fondées sur le pragmatisme, la rationalité, la quête de la performance et de l'excellence sont-elles scrupuleusement respectées à chaque rentrée universitaire dans l'orientation des nouveaux bacheliers ? Rien n'est moins sûr. L'accès à certaines filières comme les études en médecine, pharmacie, ou à certains instituts supérieurs «cotés en bourse», très convoités sur le marché du travail est devenu au cours de ces dernières années extrêmement difficile en raison des critères sélectifs d'admission exigés (notes scolaires et une moyenne plus que confortable au baccalauréat ). De façon arbitraire, on a surcôté certaines filières et sous évalués ou dévalorisés d'autres. Des vocations ont été brisées. Des candidats qui ne sont parfois pas moins méritants se sont ainsi vus écartés de la course pour avoir raté la dernière marche de quelques microns par rapport à la moyenne exigée. Que faut-il espérer d'un candidat qui a toujours nourri l'ambition de faire un métier donné et qui se retrouve, par la force des choses, orienté vers une autre formation sans possibilité de recours ? Ce système inique qui a fait la preuve de son inefficacité et de son caractère discriminatoire aux yeux de certains gagnerait à être sérieusement évalué pour conforter ce qu'il y a lieu de consolider et corriger les lacunes réelles qu'il charrie. Cette frustration de ne pas pouvoir être maître de sa destinée alimente forcément toutes sortes de rumeurs sur ces filières chasse-gardée des privilégiés et des enfants du système, sur le darwinisme de l'orientation universitaire. L'absence de coordination entre le ministère de l'Education qui aligne les chiffres en hausse des résultats du baccalauréat en guise de bonne santé du système et celui de l'enseignement supérieur qui doit gérer la pénurie des places pédagogiques surtout au niveau des filières les plus demandées a aggravé le malaise et le sentiment d'approximation de la politique globale de l'enseignement. Ironie du sort, c'est qu'un diplômé qui est entré à l'université avec une note d'admission minimum dans une filière peu attractive a peut être plus de chance de trouver plus tard du travail qu'un médecin qui est sensé pourtant avoir obtenu son baccalauréat haut la main compte tenu des critères sélectifs d'entrée à la faculté de médecine.