On ne sait pas encore la rapidité d'expansion du phénomène, s'il s'agit de mois ou d'années, mais ce qui est certain, c'est que ça va se diffuser. Des infectiologues ont tiré la sonnette d'alarme sur l'apparition d'un nouveau pathogène résistant quasiment à tous les antibiotiques existants, apparu récemment dans le sous-continent indien, requérant une mobilisation mondiale urgente. «Il y a urgence d'une part à mettre en place un système de surveillance international dans les prochains mois, et d'autre part, à tester tous les patients admis dans un système de santé dans le plus grand nombre possible de pays», a expliqué le Dr Patrice Nordmann, de l'hôpital Bicêtre près de Paris. Le Dr Nordmann a participé à la 50e conférence annuelle de l'ICAAC (Interscience Conference on Antimicrobial Agents and Chemotherapy), plus grand colloque sur les maladies infectieuses, qui a réuni, du 12 au 14 septembre, quelque 12 000 spécialistes à Boston (Massachusetts, nord-est). «Ces mesures ont déjà été décidées en France et sont discutées sérieusement au Japon, à Singapour et en Chine», a précisé le Dr Nordmann. «Pour l'instant, on ne sait pas encore la rapidité d'expansion du phénomène (...), s'il s'agit de mois ou d'années, mais ce qui est certain, c'est que ça va se diffuser (...), c'est un peu comme une bombe à retardement», a-t-il dit, soulignant l'énorme réservoir que représentent pour ce pathogène les 1,3 milliard d'habitants du sous-continent indien et leur importante diaspora. Ce «super-pathogène», appelé NDM-1 (New Delhi metallo-lactamase-1), est apparemment originaire d'Inde et a été détecté pour la première fois en 2007 en Grande-Bretagne. Suite à une étude publiée en août dans la revue médicale britannique The Lancet portant sur un grand nombre d'isolants bactériens provenant de cas d'infection ou de colonisation au Royaume-Uni et du sous-continent indien, il est montré que les bactéries NDM-1 sont hautement résistantes aux antibiotiques, comme d'autres bactéries décrites précédemment. La plupart de ces bactéries NDM-1 sont généralement toujours sensibles à 2 antibiotiques : la colistine et, moins fréquemment, la tigécycline. Cette recherche expliquait que ce nouveau pathogène a été ramené en Grande-Bretagne par des «médico-touristes» (patients se faisant opérer à l'étranger) revenant d'Inde. La propagation internationale des endobactéries hautement résistantes aux antibiotiques et l'émergence de cette nouvelle variante dite NDM-1, détectée en Europe, ont mobilisé les réseaux de surveillance épidémiologique de l'Europe (EARS-Net). Les données de surveillance européennes et d'autres parties du monde indiquent que la résistance aux antibiotiques est en augmentation chez les bactéries Enterobacteriaceae, comme Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae. Ces bactéries, qui font partie de la flore intestinale humaine normale, sont fréquemment responsables d'infections telles que les infections des voies urinaires, des septicémies ou des infections nosocomiales. L'European Center for Disease Control (ECDC) vient de démarrer une grande étude d'évaluation des facteurs de risque de transmission et des mesures actuellement mises en place dans les établissements européens. Cette évaluation des risques devrait être achevée d'ici la fin de 2010. Cette étude doit également préciser les données disponibles sur les facteurs de risque pour l'acquisition d'Enterobacteriaceae productrices de carbapenemases et l'efficacité des mesures aujourd'hui préconisées pour le contrôle de ces infections, dont le dépistage microbiologique portant sur les patients colonisés par ces organismes, l'application du confinement des patients infectés et les mesures appliquées actuellement dans les établissements hospitaliers européens.