Avant même sa sortie mondiale – alors en compétition au Festival de Cannes – le film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb a été l'objet d'une attaque en règle pour ne pas dire d'une «animosité» de certains milieux politiques notamment par le député de l'UMP des Alpes-Maritimes, Lionnel Luca. Il avait qualifié Hors-la-loi de film de «négationniste» et «antifrançais» et avait déclaré : «Les jeunes qui verront ce film vont en ressortir avec la haine, convaincus que l'armée française est une armée d'assassins.» Ainsi, lors d'une avant-première du film, lundi dernier, à la Salle Madeleine, à Marseille, une centaine de personnes se sont rassemblés devant le cinéma marseillais. Parmi les manifestants figuraient des associations des pieds-noirs, des militants d'extrême droite, des harkis et six élus locaux du Front national. L'on pouvait lire sur les banderoles des slogans qui fustigeaient «un financement français pour un film anti-français». Une soixantaine de CRS a dû être réquisitionnée pour maintenir l'ordre. Cependant, une voix détonnera. Celle du vice-président du Conseil régional en charge de la politique culturelle, Patrick Menucci (Parti socialiste), qui a rétorqué aux manifestants qu'il «s'honorait» du financement de Hors-la-loi par la région Paca, affirmant qu'il s'agissait du «film d'un créateur qui raconte sa vision de la guerre d'Algérie». Les médias français, rendant compte du film Hors-la-loi, souligneront cette polémique qui ne cesse d'enfler. Le magazine le Point s'interroge : «Le genre retenu par Bouchareb brouille les pistes, porte à l'exagération, à certaines invraisemblances, voire maladresses. À chaque film historique revient le même débat : est-ce juste du cinéma ? Où s'arrête la responsabilité du cinéaste, son devoir d'exactitude, où commence sa liberté d'artiste ? Rachid Bouchareb, qui ne cache pas sa sympathie pour la révolution algérienne, oscille entre une volonté de faire connaître l'histoire…». Le quotidien le Figaro rapporte les tirs croisés sur Hors-la-loi et le cinéaste Rachid Bouchareb : «Nouvelle polémique pour le film Hors-la-loi qui sortira sur les écrans mercredi prochain. Après sa sélection en compétition au dernier Festival de Cannes, où il avait suscité les vives protestations du député UMP Lionnel Luca, des harkis et des pieds-noirs qui accusaient le réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb de «falsifier l'histoire», deux scénaristes, Farid Afiri et Philippe Roques, affirment avoir été pillés par ce dernier et ont saisi la justice pour contrefaçon.» Le journal Libération signe un article intéressant intitulé Hors-la-loi, un divertissement post-colonial, sous la plume du journaliste Eric : «Quand on sait à quel point le rapport de la France à la colonisation n'est pas réglé, ni celui de certains Français descendants d'anciens colonisés aux «Céfrans», on voit mal comment le film pourrait ne pas soulever la question de la violence politique, que ce soit celle de l'Etat ou celle de ceux qui la subissent (ou estiment la subir) et répliquent en retour. D'autant que la sympathie du spectateur est volontiers entraînée vers Zem et Bouajila en membres du FLN qui passent leur film à égorger et poser des bombes – la police française n'étant pas non plus mauvaise à ce jeu-là, en particulier à travers la Main rouge, organisation parallèle. Hors-la-loi interroge donc, de biais, les limites et les enjeux de la violence insurrectionnelle, tout en rappelant opportunément que la répression, à la longue, finit toujours par profiter à ceux contre lesquels elle s'exerce. C'est éternellement actuel.». Le journal le Monde a publié hier un point de vue interrogatif : «Le film Hors-la-loi va-t-il avoir un avenir juridictionnel ?» L'auteur, Marc Le Roy, docteur en droit public, pose un certain regard sur le film de Rachid Bouchareb : «La présentation à Cannes au printemps du film de Rachid Bouchareb qui évoque notamment le massacre survenu à Sétif (Algérie) le 8 mai 1945 a donné lieu à des réactions d'hostilité de la part d'une partie des habitants de la région cannoise. Des manifestations ont ainsi été organisées, parfois accompagnées par des élus locaux, pour protester contre la représentation artistique des événements historiques développée dans ce film. A la veille de la sortie du film de Rachid Bouchareb, la protestation pourrait être portée jusqu'au prétoire posant de nouveau la question de la représentation artistique de faits historiques.» Le pitch du film Hors-la-loi ? Chassés de leur terre algérienne, leur humus natal, à Sétif en 1925, trois frères et leur mère sont séparés. Messaoud s'engage en Indochine. A Paris, Abdelkader prend la tête du mouvement pour l'indépendance de l'Algérie, et Saïd fait fortune dans les bouges et les clubs de boxe de Pigalle. Leur destin, scellé autour de l'amour d'une mère, se mêlera inexorablement à celui d'une nation en lutte pour sa liberté… Une histoire filiale d'une fratrie d'armes. Un film qui fait office de suite d'Indigènes, dont le scénario est de Rachid Bouchareb et Olivier Lorelle. Dans un entretien donné, hier, au magazine l'Express, le réalisateur de Hors-la-loi, Rachid Bouchareb répond : «Qu'on ne s'y trompe pas : le thème central de Hors-la-loi, c'est l'injustice. L'histoire d'une famille algérienne chassée de ses terres en 1925 et qui traverse trente-cinq ans du XXe siècle, entre la guerre d'Indochine et celle de la libération algérienne. Cette famille essaie de rester unie. De résister. L'injustice est un thème que l'on trouve dans des centaines d'histoires…La colonisation algérienne a durée cent trente-deux ans. A un moment donné, des hommes et des femmes ont voulu prendre leur destin en main. Je ne vois pas qui peut le leur reprocher. La liberté est le combat permanent de l'humanité. Mais ce combat impose souvent une violence politique…».